Nono Nénesse bat certainement tous les records de curiosité : on y voit Jacques Villeret, Bernard Menez et Maurice Risch - le nom du film vient des surnoms que leur donnait le réalisateur - jouer des bébés au caractère bien affirmé.
Dans le prologue, Bernard Menez nous raconte avec une malicieuse éloquence la folle préparation du tournage. La menuiserie des Buttes Chaumont (toujours en activité aujourd’hui !) est d’une aide capitale : ses meilleures recrues se lancent dans la confection de meubles gigantesques. Les acteurs s’évertuent ainsi à escalader des fauteuils géants, et se font la courte-échelle pour ouvrir des portes XXL.
Ce délire est dirigé par Jacques Rozier, pionnier et trublion de la Nouvelle Vague admiré par Jean-Luc Godard, encore plus atypique et à la marge que ses compères. Moins connu que François Truffaut ou Eric Rohmer, il a pourtant réalisé plusieurs chefs-d’œuvre d’une liberté inouïe, comme Maine Océan (1986) ou Du côté d'Orouët (1971). On y retrouve Menez, son acteur fétiche.
Pensé comme le pilote d’une série TV, Nono Nénesse faillit ne jamais être tourné du tout, faute de financements. Les producteurs se méfient de Rozier à cause de sa fâcheuse tendance à ne pas finir ses films. Le cinéaste Pascal Thomas, qui leur inspire davantage confiance, vient alors à son secours et devient co-réalisateur. Finalement, “C’est Rozier qui l’a emporté : le film n’a jamais été terminé”, s’amuse Pascal Thomas, interrogé à la rétrospective Rozier à la Cinémathèque en 2023.
Il ne reste que ces 36 délicieuses minutes. Devant les expressions hagardes de ces nourrissons hors normes, leur gestuelle désordonnée, leurs braillements informes, difficile de ne pas rire.
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Agathe Wippler, mk2 Curiosity
