TITICUT FOLLIES

  • Synopsis
Bridgewater (Massachusetts), 1967. Frederick Wiseman tourne Titicut Follies, son premier film, dans une prison d’État psychiatrique et atteste de la façon dont les détenus sont traités par les gardiens, les assistants sociaux et les médecins à l’époque. Ce qu’il révèle a valu au film d’être interdit de projections publiques aux États-Unis pendant plus de 20 ans. Témoin discret et vigilant des institutions, Frederick Wiseman pose, avec Titicut Follies, les bases de ce qui fait son cinéma depuis 50 ans.
  • Notre avis
Dans “Titicut Follies” (1967), un montage hallucinant montre un patient de l’hôpital pour aliénés criminels de Bridgewater, dans le Massachusetts, nourri de force par un médecin. Décontracté, une cigarette à la bouche, le professionnel ironise avec ses collègues, proposant notamment au malade de lui servir un whisky par le tube qu’il vient de lui enfoncer dans la gorge. Les images alternent avec celles du cadavre de ce même patient alors qu’il reçoit les derniers soins, cette fois administrés avec solennité par un employé appliqué. Aujourd’hui, Frederick Wiseman regrette d’avoir monté la séquence de cette manière : “C’est trop évident. J’impulse trop l’idée qu’on était plus gentil avec cet homme dans la mort que de son vivant. Si j’avais davantage séparé les séquences, le public aurait pu arriver lui-même à cette conclusion.” Filmer les fous et la manière dont ils sont traités semble être un exercice délicat. Comment documenter au plus juste un lieu verrouillé qui d’ordinaire est uniquement visible des équipes médicales, des patients et de leurs familles et qui charrie surtout nombre de mythes et de peurs ancrés dans l’inconscient collectif ?

Quoi qu’il pense de ses choix passés, Wiseman a signé le documentaire de référence sur le sujet. En s’emparant pour la première fois d’une caméra, cet ancien professeur de droit réalise un film pionnier – et exemplaire du cinéma direct – sur l’institution psychiatrique. Malgré son absence de commentaire explicatif et son apparente neutralité, “Titicut Follies” en dit long sur la condition désolante des malades mentaux détenus à Bridgewater à l’époque. Filmé en 4/3, en noir et blanc et en 16 mm (une pellicule qui donne du grain à l’image, lui conférant un aspect “sale”), cet asphyxiant long métrage nous plonge dans la peau des détenus, une perspective d’autant plus terrifiante qu’ils sont constamment humiliés par les gardiens. Mais la caméra ne se fait jamais intrusive. “Je voulais essayer de créer l’illusion que tout ce qui arrive dans le film se passerait si nous n’étions pas là, explique Wiseman. Je pense que la présence de la caméra ou de l’équipe ne change rien, les gens ne modifient pas leur comportement”.

Timé Zoppé, journaliste, TROISCOULEURS

  • L'avis de Sonia Kronlund
Tourné en noir et blanc dans un pénitencier psychiatrique du Massachussetts, c’est le premier film de Wiseman et celui qui m’a le plus marqué. Implacable dans sa dénonciation de l’injustice, il tient par la seule force de son style.  Wiseman y est présent partout et visible nulle part et c’est ça qui est incroyable. En plus le film a longtemps été interdit donc c’est encore plus fort de le voir  aujourd’hui.
  • Derrière la caméra
Limpide, monumentale, sans équivalent dans l’histoire du cinéma, l’œuvre de l’Américain Frederick Wiseman est un "work in progress" documentaire qui court sur plus de cinq décennies. Son activité favorite ? Décrypter la société américaine et ses institutions avec un regard critique. Ça commence dès sa première réalisation, “Titicut Follies” (1967), film choc sur une prison d’Etat psychiatrique censuré pendant 20 ans. Suivront de très nombreux documentaires tout aussi forts, comme “Boxing Gym” (2010), “At Berkeley” (2013), ou encore “City Hall”, documentaire fleuve - l’une de ses spécialités -, sur la mairie de Boston.

Autour du film :