Réalisé en 1927, Napoléon, vu par Abel Gance, se veut aussi spectaculaire que la carrière de l’Empereur. Abel Gance, figure majeure du 7e art qui a donné ses lettres de noblesse au cinéma impressionniste, est obsédé par son projet démesuré. Il filme avec trois caméras, destinées à projeter le film sur trois écrans. Son film, d’une durée de sept heures, reste l’une des œuvres les plus ambitieuses de l’histoire du cinéma. En 2008, la Cinémathèque française se lance dans une nouvelle restauration de l'œuvre. Ce projet devait durer 6 mois, il prendra finalement plus de 16 ans.
En 1984, la Cinémathèque avait déjà proposé une version restaurée, de 5h13 “seulement”. À cette occasion, Nelly Kaplan, réalisatrice, écrivaine et critique reconnue, grande amie d’Abel Gance dont elle avait été assistante et actrice, réalise un documentaire passionnant sur la création de ce chef-d'œuvre.
Présenté à Cannes la même année, le documentaire est riche en archives précieuses : des enregistrements, des vidéos de tournage, des photos du scénario écrit à la main par le réalisateur, avec les extraits du film correspondants. C’est le fringant Michel Drucker, alors âgé de 40 ans, qui nous raconte cette épopée cinématographique.
Le film doit “entrer définitivement dans le temple des arts par la grande porte de l’Histoire.”, déclame Gance à son équipe au début du tournage. Ne reculant devant aucune contrainte technique, il invente des méthodes artisanales, mais visionnaires, pour faire virevolter la caméra. On la voit ainsi suspendue à une corde dans les airs, ou solidement attachée à une barque, un cheval, et même une luge.
Avec une centaine de figurants, dont des enfants déchaînés, le tournage prend des proportions folles. Techniciens blessés, tournage interrompu, doutes sur son achèvement… C’est presque un miracle si le film voit le jour. Un siècle plus tard, cette aventure nous semble toujours aussi sensationnelle.
_
Agathe Wippler, mk2 Curiosity