Mike Mills, graphiste et réalisateur d’un premier long métrage salué par la critique (Thumbsucker, 2005), perd son père cinq ans après que celui-ci lui a fait son coming-out. Il a une façon bien à lui de surmonter son deuil : le raconter dans un film.
Ewan McGregor, très touchant, joue Oliver, un graphiste encore troublé par la mort récente de son père. Il revoit en flash-back cet homme plein de joie de vivre, reniant obstinément sa maladie. Ce père est incarné de façon impériale par Christopher Plummer, acteur adoré du véritable papa de Mills, qui reçoit, à 82 ans, un Oscar pour ce rôle.
Beginners est une fabuleuse histoire d’amour entre deux solitaires : Oliver, et Anna, une actrice excentrique jouée par Mélanie Laurent, merveilleuse dans son deuxième long métrage anglophone après Inglourious Basterds. Mills, de son côté, a rencontré dans la vraie l’écrivaine, réalisatrice et actrice Miranda July pendant l’écriture du scénario. Et il s’est chargé lui-même de créer les dessins d’Oliver, parus dans un livre après la sortie du film.
Deuil, amour, dessins : tout dans le film respire le vécu, jusqu’aux tags nocturnes pour lesquels le réalisateur avoue avoir eu un penchant plus jeune. Mais sur le plateau, il ne cachait pas sa joie de ne pas trop se reconnaître dans Oliver. C’est là que “l’histoire marche de ses propres pattes”, dit-il.
De quoi rendre cette histoire universelle, touchant au cœur les spectateurs qui se reconnaissent facilement dans ces personnages imparfaits et maladroits. Oliver parle plus à son chien qu’à ses amis. Celui-ci est d’ailleurs de très bon conseil en drague : “Dis-lui que les ténèbres nous engloutirons si rien de radical n’arrive sur le champ”, nous disent les sous-titres traduisant la pensée du toutou lors de la rencontre entre Olivier et Anna.
Avec talent et modestie, Mike Mills évoque des sujets graves (l’homophobie, la mort, l’antisémitisme) sans jamais perdre son ton léger et drôle. Devant ce film plein de charme et de grâce, porté par des dialogues particulièrement bien écrits, une seule phrase suffit parfois à nous faire passer du rire aux larmes.
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Agathe Wippler, mk2 Curiosity