CAMARADES

  • France
  • 1969
  • 84 min
  • VF
  • Tout Public
  • Drame
  • Synopsis

Yann, jeune prolétaire de Saint-Nazaire, refuse le confort petit-bourgeois que lui propose sa fiancée et monte à Paris. Il finit par accepter un travail dans une usine, prend conscience de la lutte révolutionnaire et milite dans un groupe d’extrême-gauche.

  • Notre avis

Peut-on concilier passion amoureuse et élans révolutionnaires ? On relève les copies dans 1h23 ! Yann, jeune prolétaire de Saint-Nazaire, a tranché, ce sera la lutte politique pour un monde meilleur. Pas question de se résoudre à accepter le confort petit-bourgeois que lui propose sa fiancée. Incarnée par Juliet Berto, figure secrète et rêveuse du cinéma français, Juliette aimerait bien que son petit ami ambitionne simplement de mieux gagner sa vie.

C’est décidé, il monte à Paris, et découvre (comme nous) le travail dans les usines de Flins. Des séquences quasi-documentaires - Yann est interprété par Jean-Paul Giquel, ancien “tourneur” chez Renault - qui rendent bien compte des conditions éreintantes du travail à répétition. “Si on t’augmente de 5 000 balles, la vie augmente de 5 000 balles”, dit Yann, qui poursuit : “On travaillera jusqu’à 65 ans. Et à 65 ans t’as déjà un pied dans la tombe.” Avec une petite conversion monétaire (Yann ne bosse pas dans la finance…) et à une année de départ à la retraite près, on se croirait dans n’importe quelle rue de France en 2023. Quand on vous dit que les bons films sont intemporels !

Dans ce climat d’après Mai 68, on assiste à des discussions passionnées et passionnantes sur l’organisation de la lutte politique. Film militant, essai-politique, docu-fiction engagé ? “Camarades” est surtout un très beau film porté par la photographie de Pierre-William Glenn et des chansons engagées et originales de l’époque (produites par le toujours aussi formidable label Saravah de Pierre Barouh), qui nous plongent admirablement dans cette ambiance si particulière.

Marin Karmitz souhaite que “Camarades” ouvre un large débat sur cette question, et voit donc en ce film un “cinéma d’information politique destiné au plus grand nombre”. Il soigne de fait tous les éléments artistiques susceptibles d’emporter les spectateurs dans cette histoire. Cette œuvre se démarque ainsi du simple film-tract grâce à sa mise en scène et une écriture inventives. L’intégration d’une longue séquence du documentaire argentin L’heure des brasiers, sorti un an auparavant, est bien sûr un hommage au réalisateur Fernando Ezequiel Solanas et à la lutte du peuple sud-américain. Mais c’est aussi, en filmant la séance de ciné-club dans laquelle est projeté ce documentaire, une façon de se démarquer de ce que Martin Karmitz considère comme du “discours politique”. La mise en abîme induite par cette belle séquence de film dans le film lui permet d’élever le regard et de réaffirmer sa passion pour l’art cinématographique.

Tristan Brossat

  • Derrière la caméra

Auteur, exploitant, distributeur, producteur… Marin Karmitz, fondateur de mk2, a eu de multiples vies de cinéma. Assistant puis réalisateur, il a d’abord suivi au plus près le bouillonnement des années 1960 et 1970. De sa collaboration avec Marguerite Duras pour Nuit noire, Calcutta à sa trilogie engagée (Sept jours ailleurs, Camarades, Coup pour coup), son œuvre de cinéaste à la fois intime et politique l’inscrit parmi les grandes figures du cinéma de l’époque, de Jean-Luc Godard à Philippe Garrel.