CHAMBRE 999

  • Documentaire
  • Synopsis
« Le cinéma est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ? » : Wim Wenders posait cette question à seize de ses collègues réalisateurs dans Chambre 666 en 1982. Quarante ans plus tard, en 2022, Lubna Playoust utilise le même dispositif pour poser la même question à 30 cinéastes contemporains présents à Cannes cette année-là, de Wim Wenders lui-même à James Gray, de Rebecca Zlotowski à Claire Denis, d'Olivier Assayas à Nadav Lapid à Asghar Farhadi à Alice Rohrwacher...
  • Notre avis
Présenté au dernier festival de Cannes, le film de Lubna Playoust reprend le dispositif créé par Wim Wenders en 1982 pour son documentaire Room 666 . Seuls dans une chambre d’hôtel, à l’écart de l’agitation cannoise, des cinéastes (James Gray, Audrey Diwan, Albert Serra, Davy Chou, Alice Rohrwacher…) ont carte blanche pour répondre à une question : « Le cinéma est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ? ». Ce documentaire passionnant donne quelques clés pour ne pas se laisser aller à l’abattement.

Tourné pendant le festival de Cannes 2022, le film commence par l’intervention de Wim Wenders qui, en marge du festival 1982, avait demandé à Jean-Luc Godard, Rainer Werner Fassbinder ou Susan Seidelman leur avis sur l’avenir du cinéma. Car oui, il y a quarante ans, on se posait déjà la question de la potentielle « mort du cinéma » - ce qui est plutôt encourageant pour la suite. Wenders répond à la question par l’affirmative – oui, pour lui, le tout-numérique va tuer le cinéma. Son raisonnement pourrait être démoralisant s’il ne rajoutait pas que, pour lui, la jeune génération a tout de même les armes pour changer le cours des choses. L’intervention de Wenders donne la teneur de Room 999 : ce documentaire est bien une alerte, mais il donne aussi des raisons d’espérer.

Arnaud Desplechin le dit lui-même : « Le cinéma n’arrête pas de mourir, c’est le principe de sa vie même. » C’est un art qui a autrefois été menacé par l’arrivée de la télé, il pourrait certes l’être aujourd’hui par les plateformes, la miniaturisation des écrans, les changements d’habitudes des spectateurs, le manque de soutien financier au cinéma d’art et essai, le temps d’attention réduit devant les écrans, les algorithmes qui altèrent l’esprit de curiosité… Mais ne s’est-il pas toujours réinventé ?

Lubna Playoust déplace alors la question : cet art qui ne cesse de vivre des petites morts, comment le transmettre, le raviver ? La réflexion de la cinéaste Ayo Akingbade donne une piste en tenant ce discours qui fait du bien tant il contrecarre l’idée prémâchée que tout aurait été déjà raconté. Pour elle, il y a encore tout un tas de récits inexplorés, notamment du côté du continent africain. Rebecca Zlotowski pulvérise aussi l’idée que le cinéma serait en état de torpeur. Elle parle même d’un réveil post-MeToo : pour elle les films récents n’ont jamais autant travaillé la question du corps, réinvestie par la pensée queer et féministe. On ressort alors de la Chambre 999 les clés en main pour un nouvel élan du cinéma, traversé par de nouvelles forces, une vitalité retrouvée.

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Quentin Grosset, TROISCOULEURS