Pour son premier film tourné en France et hors d’Autriche, Michael Haneke reprend la même structure narrative que 71 Fragments d’une chronologie du hasard, sorti 6 ans plus tôt. Plusieurs histoires forment le récit fragmenté de Code inconnu, composé de longs plans séquences filmés dans l’intimité des foyers et dans les rues parisiennes encombrées.
Sur une longue avenue du XVème arrondissement réchauffée par le soleil du matin, Jean, le petit frère de Georges, un reporter de guerre en couple avec Anne, une actrice, jette un papier de boulangerie vide sur Maria, une mendiante roumaine. Témoin de cet acte humiliant, Amadou, éducateur musical pour un groupe de sourds-muets, interpelle Jean. Le ton monte rapidement entre les deux jeunes hommes. À partir de cette altercation, comme il en existe tant dans les rues des grandes villes, on pénètre dans l’intimité de ces personnages d’origines sociales et de nationalités différentes.
Il y a la famille d’Amadou et de son père sénégalais, les problèmes de couple de Georges et Anne, le désespoir du père de Georges, un agriculteur désemparé, et les malheurs de Maria, contrainte de retourner en Roumanie faute de papiers français. À travers le destin de ces protagonistes, Haneke sonde la vie d’une société où les clivages sociaux se creusent, où la communication entre les différentes sphères sociales est devenue presque impossible.
Code inconnu se distingue par sa légèreté - toute relative - par rapport aux autres films du cinéaste. Comme dans 71 Fragments, où la télévision est omniprésente, la réalité se mêle constamment à la fiction. Les conflits géopolitiques mondiaux jaillissent à travers les photographies de Georges, reporter de guerre, qui revient du Kosovo.
Comme à son habitude, Haneke exige du spectateur un visionnage actif. Ici, les séquences sont coupées net - parfois au milieu d’une phrase - par des fondus au noir, comme si l’on zappait avec une télécommande entre les différentes intrigues. Ce dispositif impose un rythme singulier qui force l’attention permanente du spectateur. Dans cette œuvre labyrinthique, le cinéaste autrichien sème une multitude d’informations nécessaires à la compréhension des enjeux. Il laisse au spectateur le soin de recoller lui-même les morceaux, et d’interpréter à sa guise les images qu’on lui donne à voir.
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Hugues Porquier, mk2 Curiosity