GERRY

  • Synopsis
Deux hommes, nommés tous deux Gerry, traversent en voiture le désert californien vers une destination qui n’est connue que d’eux seuls. Persuadés d’atteindre bientôt leur but, les deux amis décident de terminer leur périple à pied. Mais Gerry et Gerry ne trouvent pas ce qu’ils sont venus chercher ; ils ne sont même plus capables de retrouver l’emplacement de leur voiture. Ils vont s’enfoncer plus profondément encore dans la brûlante Vallée de la Mort. Leur amitié sera mise à rude épreuve.
  • L'avis de Sébastien Lifshitz
J’ai oublié en partie l’histoire de Gerry. Il ne me reste plus aujourd’hui que des fragments, des sensations contradictoires : la chaleur écrasante d’un désert, le visage bouleversant de Casey Affleck, un lien ambigu entre deux hommes et le vide partout comme véritable sujet du film. L’abstraction de Gerry est une puissante expérience sensorielle, véritable trip cruel et hypnotique à la fois.
  • L'avis de Xavier Legrand
Ce film est une vraie expérience physique, entre le rêve et la réalité, entre la philosophie et la géographie. Je trouve la métaphore de ce film très puissante car « se perdre dans le désert » peut nous arriver à tous chaque jour. La musique d’Arvo Pärt y est sublimée.
  • Pour aller plus loin :
Le blanc terrassant du soleil et le bleu réconfortant de la nuit : le road-trip de Gus Van Sant, premier opus d’une trilogie existentielle complétée par “Elephant” (2003) et “Last Days” (2005), oscille entre ces deux teintes. Une façon d’introduire le spectateur dans un univers épuré jusqu’à l’os, vidé de tout repère spatio-temporel, si ce n’est celui de l’alternance sommaire entre jour et nuit. C’est l’univers dans lequel évoluent les personnages de Matt Damon et Casey Affleck, deux amis prénommés Gerry lancés dans une traversée de la Vallée de la mort. Incapables de retrouver leur voiture, ils continuent à pied dans le désert californien…

En délestant son récit de toute psychologisation (que recherchent les personnages ? qui sont-ils l’un pour l’autre ?), Gus Van Sant démontre son génie de plasticien. Ici, l’errance n’est pas conceptuelle, elle s’éprouve à l’écran. Malgré sa froideur formelle, son dénuement, “Gerry” regorge de détails qui mettent à l’épreuve l’endurance du spectateur. C’est une bande-son assourdissante – les rafales indifférentes du vent, les chants d’oiseaux de mauvais augure -, des travellings étirés qui dilatent le temps, des contre-plongées vertigineuses qui transforment les personnages en colosses aux pieds d’argile.

On serait facilement tenté de réduire le film à sa filiation beckettienne, en y lisant une variation expérimentale sur la recherche d’un absolu qui conduirait tout droit à la mort, une relecture biblique de la traversée du désert, dans laquelle les dieux seraient morts. Mais à l’aune de ses suites informelles, “Elephant” et “Last Days”, “Gerry” nous apparaît plutôt comme une étude du mystère adolescent, avec tout ce qu’il comprend d’idéalisme et de rêves brisés.


Léa André-Sarreau, journaliste, TROISCOULEURS
  • Derrière la caméra
Né en 1952, Gus Van Sant se fait un nom dans le cinéma indépendant américain, avant de faire un détour par Hollywood et de revenir ensuite à des films davantage libérés des pressions financières. Aussi bien dans le cadre de ses films pour studios (“Don't Worry, He Won't Get Far on Foot”, 2019 ; “Prête à tout”, 1995) que pour ses films plus indépendants ( “My Own Private Idaho” en 1991, “Elephant” en 2003, ou “Gerry” en 2002), il développe une réflexion sur la difficulté des rapports humains et un intérêt particulier pour les personnages marginaux et l'adolescence.