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GHOST SONG

  • Documentaire
  • Drame
  • Synopsis
Houston, Texas. Alexandra, Will et Nate se débattent pour survivre dans une ville qui dévore les gens comme les rêves. Ex-cheffe de gang ou gosses de riches reniés, chacun affronte ses démons tandis qu'un ouragan approche.
  • Notre avis
Un McDonald’s, une sirène qui hulule au loin, et un autoradio qui crache le beat alangui du chopped and screwed, ce style de rap né ici, à Houston, au Texas, et basé notamment sur un ralentissement outrancier du tempo. Dès ses premières secondes, Ghost Song plante tous les éléments de son décor. Bien plus qu’un cadre, la ville qui a enfanté Beyoncé et Travis Scott est à la fois une hydre et un trou noir qui menace d’aspirer ses habitants.

Ce sont justement deux d’entre eux qui ont attiré la caméra de Nicolas Peduzzi : Will, un gosse de riches blanc rejeté par sa famille après la mort de son père ; et OMB Bloodbath, une rappeuse afro-américaine et ancienne cheffe de gang. Deux individus dans la vingtaine, qui confirment que ce n’est absolument pas le plus bel âge de la vie et semblent hésiter entre la résilience et la révolte.

Nicolas Peduzzi découpe leur vie chaotique en petites saynètes toujours sur une ligne de crête entre le documentaire et la fiction. Mises bout à bout, celles-ci esquissent les maux d’une Amérique peuplée de fantômes, accro aux médicaments, plongée dans une spirale de violence de laquelle personne ne sait plus comment sortir, un pays qui ne s’est toujours pas remis des années de ségrégation.

Les immenses autoroutes empruntées par le cinéaste pour passer d’un personnage à un autre dessinent des frontières infranchissables entre quartiers noirs et quartiers blancs. Et si les protagonistes partagent des addictions et le même espoir de s’en sortir, la solitude d’OMB Bloodbath ne croisera jamais celle de Will.

De ces bas-fonds humides ne filtre qu’un motif d’espérance : la musique. Elle irrigue Ghost Song, offerte rageusement par ceux qui n’ont plus que cela pour s’exprimer, ou plaquée sur les lentes déambulations en voiture du réalisateur et de ses héros. Elle offre aussi parfois des instants magnifiques, comme lorsque Nicolas Peduzzi choisit d’insérer un requiem de Verdi sur un battle de rap.

Dans une autre scène dantesque, Will improvise des accords de guitare devant son oncle, sorte de clown gominé qui rappelle les mafieux de Scorsese. Tous deux se mettent alors à régler leurs comptes en chantant. Dans Ghost Song, la musique n’adoucit pas les mœurs mais permet de se connecter aux autres. Au moins quelques minutes, avant que l’un des ouragans qui s’abattent régulièrement sur Houston ne vienne doucher les derniers rêves.
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Margaux Baralon, TROISCOULEURS