Hunger (2008) est la première fiction du cinéaste Steve McQueen, à ne pas confondre avec l’acteur du même nom, après des courts métrages expérimentaux et minimalistes projetés dans des galeries d’art. Ce premier long métrage inoubliable bouscule le Festival de Cannes, où il décroche, en 2009, la très prisée Caméra d’or. Quatre ans plus tard, le Britannique reçoit l’Oscar du meilleur film pour Twelve Years a Slave, qui confirme son statut de réalisateur incontournable.
Dans Hunger, McQueen aborde un événement clef de l'histoire britannique contemporaine. Il met en scène la lutte des détenus de l’IRA (l’Armée républicaine irlandaise) en 1981 pour obtenir le statut de prisonniers politiques. Enfermés et mis à l’écart par le gouvernement de Margaret Thatcher, ils se tournent vers la grève de l’hygiène, la dirty protest, puis vers une grève de la faim, pour se faire entendre. Le cinéaste nous cloisonne, sans demi-mesure, entre des murs couverts d’excréments et un sol imbibé d’urine, aux côtés de gardiens ultra violents.
Les sons et les images brutaux provoquent des réactions épidermiques, particulièrement puissantes lorsque les matraques frappent en signe d’avertissement les boucliers des policiers anti-émeutes, prêts à tabasser les prisonniers récalcitrants. Et lorsque les ciseaux coupent violemment les cheveux des détenus, cisaillant parfois le crâne au passage, ou que la caméra s’attarde sur les visages tuméfiés.
C’est dans ce tumulte qu’apparaît le leader et futur martyr Bobby Sands (joué par Michael Fassbender). À l’image du film, Fassbender excelle aussi bien dans les séquences violentes - où son corps est mis à rude épreuve - que dans le mutisme ou les séquences de dialogues sur le sens de son combat. Comme il l’avait si bien fait dans Queen and Country (2006), série de portraits sur timbres de militaires britanniques morts en Irak, le cinéaste parvient à saisir avec justesse l’essence de ces êtres qui se sacrifient pour l’intérêt collectif.
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Hugues Porquier, mk2 Curiosity