INVISIBLE DEMONS

  • Documentaire
  • Synopsis
Un documentaire choc au constat édifiant sur la pollution en Inde à New Delhi, et ces « démons invisibles » que sont les particules fines. La caméra de Rahul Jain tente de respirer et de se frayer un chemin à travers cet enfer écologique en donnant à voir autant qu’à réfléchir.
  • Notre avis
Armé d’une caméra à l’image constamment filtrée par un voile de pollution grisâtre, Rahul Jain arpente les rues congestionnées de New Delhi et donne la parole aux plus démunis. Loin des discours politiques, les principales victimes des conditions sociales et sanitaires désastreuses qui gangrènent l’Inde expriment leur profonde inquiétude sur la situation actuelle et future.

Pour contextualiser certaines séquences, le cinéaste intègre des extraits de flashs infos télé, animés par une jeune présentatrice au regard miné par l’inquiétude. Ces images ponctuées de chiffres chocs, scandés sur un ton d’une vivacité alarmante, sur les températures extrêmes, l’intensité des moussons et le taux de pollution, renforcent le sentiment d’urgence. 

La caméra du réalisateur prend régulièrement de la hauteur, avec des plans d’ensemble fixes ou des séquences aériennes vertigineuses, pour filmer les rivières souillées par une mousse de produits toxiques, ou les montagnes de déchets qui encerclent la ville. C’est tout un équilibre qui est profondément chamboulé.

Dans une des scènes les plus marquantes du film, des vaches errent au milieu d’une étendue de déchets, qui remplace les champs de végétation. Un paysage apocalyptique dans lequel elles se retrouvent à mastiquer des morceaux de plastique. Le cinéaste passe constamment du microscopique - une caméra filme des poumons noircis - au macroscopique - des travellings latéraux sur la violence des moussons - dans une mise en scène vertigineuse qui rend bien compte de l’urgence de la situation. 
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Hugues Porquier - mk2 Curiosity
  • Pour aller plus loin :
À l’occasion de la journée mondiale du climat du 8 décembre, on vous offre le film choc de Rahul Jain, Invisible Demons, présenté à Cannes en 2021 dans la sélection spéciale “Cinéma pour le Climat”, créée la même année. Disponible nulle part ailleurs, ce documentaire coup de poing alerte avec brio sur les conséquences dramatiques du changement climatique. 

Révélé au Festival du film de Sundance en 2016 pour son documentaire Machines, dans lequel il mettait en lumière les conditions de travail déplorables d’une grande usine textile, le cinéaste indien poursuit son exploration des problématiques sociales de son pays. Il se penche cette fois sur les conséquences délétères du réchauffement planétaire, qui impacte sévèrement, depuis plusieurs années déjà, les conditions de vie des habitants. La situation présente, déjà catastrophique, laisse augurer le pire pour les temps à venir. 

À l’heure où passer une journée dans les rues de New Delhi équivaut à fumer une trentaine de cigarettes, les conséquences du réchauffement climatique et de la pollution sont désormais au centre de toutes les discussions, dans les médias et les rues indiennes. Au-delà des conséquences délétères pour la planète, la crise climatique est vectrice d’inégalités majeures, de plus en plus prononcées. Seuls les plus riches peuvent s’équiper de purificateurs d’air ou de climatiseurs. Des équipements nécessaires pour espérer survivre à la concentration mortelle de particules fines - responsable de 1,67 million de décès en Inde en 2019 - et aux vagues de chaleur extrême, dont le pic a atteint 49,2 °C en mai 2022. 

En novembre dernier, le gouvernement a décidé de fermer les écoles primaires pendant plusieurs jours, afin de limiter l’exposition des plus jeunes à la pollution. Cette mesure s'ajoute à d’autres déjà en place : installation de purificateurs d’air géants dans les rues, arrêt des chantiers, taxi au gaz naturel et électrification massive des transports. 

Invisible Demons dresse le constat sans compromis de l’échec du système capitaliste en Inde, et par extension des errements de l’anthropocène, époque géologique qui se caractérise par l'avènement des hommes comme principale force du changement sur Terre. Rahul Jain a justement consacré sa thèse, soutenue à la California Institute of the Arts, à “L’Anthropocène au cinéma”. 

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Hugues Porquier - mk2 Curiosity