JUSTE LA FIN DU MONDE

  • France
  • 2016
  • 95 min
  • VF
  • Tout Public
  • Drame
  • Recommandé par Sonia Kronlund
  • Synopsis
Adapté de la pièce de théâtre éponyme de Jean-Luc Lagarce, le film raconte l’après-midi en famille d’un jeune auteur qui, après 12 ans d’absence, retourne dans son village natal afin d’annoncer aux siens sa mort prochaine.
  • Notre avis
Avec Juste la fin du monde, adaptation de la pièce du même nom de Jean-Luc Lagarce, auréolé du Grand prix à Cannes, Xavier Dolan nous convie à un fracassant huis clos familial dans lequel tout le monde a son mot à dire mais personne n’est prêt à entendre. À l’approche de sa propre mort (on ne sait pas vraiment de quoi il décédera), Louis (Gaspard Ulliel, sobre et fantomatique) rend visite à sa famille qu’il n’a pas vue depuis douze ans. Il n’exprime pas ses motivations : peut-être veut-il tout simplement partir en paix. 

Louis écoute et regarde, il n’arrive pas à parler. À chaque fois qu’il est sur le point de s’exprimer, on lui coupe la parole. La réunion de famille est source d’un vacarme que Dolan ne cherche absolument pas à brider. C’est comme si la mère très excentrique (Nathalie Baye, à la fois grotesque et géniale), la sœur revêche (Léa Seydoux), le frère au tempérament sanguin (Vincent Cassel) et la belle-sœur effacée (Marion Cotillard) cherchaient tous à noyer le poisson. 

Dolan matérialise le conflit à travers une mise en scène abrupte et très sensorielle. Quand débute le film, le débit de parole est infernal, le montage est haché, les acteurs sont isolés dans des gros plans, tandis que le son paraît cradingue – autant de marqueurs de
l’incapacité des personnages à s’entendre. Ici, personne ne semble accorder d’importance à
la substance de ce qui est dit: il faut remplir les blancs, s’agiter le plus possible pour éviter
d’aborder l’essentiel. Dolan filme le non-dit, l’incommunicabilité, et, paradoxalement,
il charge son film de dialogues qui, sans en avoir l’air, sont tous plus toxiques et insidieux les uns que les autres. 

Avec une âpreté proche de celle de son Tom à la ferme (qui déjà, en 2013, se déchargeait des effets pop de son cinéma – réduits ici à quelques séquences, notamment des flash-back très stylisés), Dolan, à travers cette famille qui se délite, s’impose une nouvelle fois comme un dialoguiste subtil, mais surtout comme un habile portraitiste d’écorchés vifs hâbleurs et de perdants au verbe haut.

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Quentin Grosset, TROISCOULEURS

La pièce de Lagarce m’avait déjà bouleversée. Cette famille qui n’arrive pas à se parler, se coupe la parole, ne s’écoute pas, ces gens qui parlent tout seul. Xavier Dolan y ajoute son génie absolu de la mise en scène, de la direction d’acteurs, des costumes, de ces  détails qui racontent si tragiquement  l’histoire d’un transclasse dans les années 90… Et le maquillage de Nathalie Baye !
  • Derrière la caméra
Xavier Dolan fut qualifié de "jeune prodige du cinéma québécois" à la sortie de “J'ai tué ma mère” (2009), réalisé à tout juste 19 ans. Depuis, le cinéaste a fait long feu et s'est imposé comme un réalisateur majeur en France et outre-Atlantique. Et s’il dit vouloir quitter le cinéma, son débit de création a longtemps été inarrêtable (huit longs métrages en dix ans). La trentaine passée, le réalisateur prodige a d’ailleurs déjà regardé dans le rétroviseur, particulièrement attiré par les années 1990 et 2000, celles de son enfance. Que ce soit à travers “Laurence Anyways “(2012) ou plus tard dans “Ma vie avec John F. Donovan” (2018), il explore cette période comme pour retrouver le goût de l’innocence, comme pour échapper un temps au statut de cinéaste star qu’il a acquis au fil des années.