LA VIE DE JESUS

  • Drame
  • Synopsis
Freddy, jeune homme épileptique, vit avec sa mère, qui tient le café `Au petit casino', à Bailleul, dans le nord de la France. Ni lui ni ses copains n'ont de travail. Aussi en sont-ils réduits à traîner dans les rues et les terrains vagues.
  • Notre avis
Distingué par le jury de la caméra d’or à Cannes en 1997, et par le prix Jean Vigo la même année, La Vie de Jésus est le premier long métrage de Bruno Dumont. Et c’est un coup de maître. Le cinéaste saisit particulièrement bien l’atmosphère si particulière de sa ville natale, Bailleul, coincée entre Lille et Dunkerque. Il s’amusera plus tard, dans L’Empire, à revisiter La Guerre des étoiles, version Pas-de-Calais. 

Dans La Vie de Jésus, il filme le quotidien de jeunes chômeurs, joués par des acteurs locaux à l’accent inimitable, qu’on croirait dans leur propre rôle. L’acteur principal, David Douche, est impressionnant de sincérité dans la peau de Freddy, en proie à des crises d’épilepsie. Élevé en famille d'accueil, passé par l’armée et rapidement par la prison, David Douche s’est lui-même retrouvé au chômage, et même sans abri. 

Dans les premiers essais de David Douche, Dumont se rappelle qu'il était “épouvantablement mauvais”. Il se révèle finalement un “acteur de génie”, récompensé par le prix du meilleur acteur au Festival du film de Taormine. Tout à son naturel, David Douche ne se rend pas à la remise des prix, en Sicile, préférant rester avec sa compagne.

L’ennui pèse terriblement sur Bailleul, ville qui fait “froid dans le dos” à Dumont, comme il le révèle au Journal du Dimanche à la sortie du film. Freddy et ses amis enchaînent des virées en moto sans autre but que de tuer le temps. 

Le film prend son temps mais captive. On s’attache aux personnages alors même que, soumis à cette oisiveté étouffante, ils deviennent des racailles bêtes et racistes. Le deuil d’un des leurs, filmé avec une justesse époustouflante, participe de cette descente progressive dans les enfers de la violence. Il plane la menace sourde d’un drame qu’on n’imagine pas encore, mais qui semble inéluctable.

Ancien prof de philo, Dumont montre ce qu’il a observé parmi ses élèves : un “désenchantement” d'adolescents “spectateurs d’un monde sur lequel ils ne peuvent pas agir”. Malgré tout, il assure ne pas faire un travail documentaire, mais “essayer d’atteindre ce qui est universel en chacun de nous”.
_

Agathe Wippler, mk2 Curiosity