LE PASSAGER

  • Iran
  • 1974
  • 71 min
  • VOST
  • Tout Public
  • Drame
  • Comédie
  • Synopsis

Passionné de football, un adolescent provincial décide de se rendre à Téhéran pour assister à un match important. Avec l’aide de son ami, il fait l’impossible pour réunir l’argent nécessaire au voyage.«Dépourvue de jugement, la position du cinéaste n’est pas pour autant dépourvue d’éthique: lorsque Ghassem trompe les enfants en leur faisant croire qu’il fabrique une image d’eux, Kiarostami compense cette injustice, grâce à la magnifique galerie de portraits de gamins qui se succèdent sur l’écran.» — AGNÈS DEVICTOR ET JEAN-MICHEL FRODON, ABBAS KIAROSTAMI. L’ŒUVRE OUVERTE (GALLIMARD, 2021)

  • Notre avis

Fan de foot, Hassan, 10 ans, est prêt à tout pour se rendre à Téhéran voir jouer l’équipe nationale iranienne. On est d’accord qu’il n’y a rien de plus fascinant au cinéma que de suivre les aventures d’un personnage prêt à tout pour assouvir sa passion (bonne ou mauvaise). L’école c’est pas vraiment son truc, à Hassan. Il préfère traîner dans les rues et y placer des buts de fortune pour faire des petits matches avec ses camarades. On rassure tout de suite les allergiques au ballon rond, malgré les apparences, ce n’est pas du tout un film sur le foot que nous propose ici Kiarostami.

Les footix qui seraient déçus, on ne vous oublie pas. Pour les ultras du virage nord, une petite anecdote pour nous faire pardonner : En 1978, quatre ans après la sortie du film, l’Iran est devenue la première équipe du Moyen-Orient à participer à une phase finale de la Coupe du monde de football. Le miracle du cinéma ! Il aura tout de même fallu attendre 1992 pour que le film sorte enfin dans les salles françaises.

Revenons à notre passager. Pour réunir l’argent nécessaire à son excursion jusqu’à la capitale et l’achat des billets d’autobus, Hassan n’hésite pas à arnaquer les autres écoliers, après avoir volé ses parents. Aidé de son ami Akbar, il propose à la sortie des cours de leur tirer le portrait avec un appareil photo hors d’usage, en l’échange d’une petite pièce. Une séquence magnifique où l’on voit défiler à l’écran les bobines des élèves, plus ou moins impressionnés par l’objectif, dans un somptueux noir et blanc. Ça aussi, c’est fascinant.

A travers ce garçon qui place son rêve plus haut que tout, Kiarostami nous offre une somptueuse métaphore sur la passion d’un cinéaste, amoureux des personnages qu’il filme, et de son art. Celui qui réalisa à ses débuts de très beaux films éducatifs pour la Kanoon - l’Institut pour le développement intellectuel de la jeunesse - n’a pas son pareil pour filmer ces enfants confrontés à des dilemmes moraux. Hassan ne semble pas s'embarrasser avec ces questions. Pour voir le match, rien ne l’arrêtera. C’est loin d’être un ange, mais sa passion force le respect et, tout le long du film, on prie très fort pour qu’il puisse enfin franchir les portes du stade.

Tristan Brossat

  • Derrière la caméra

Toujours derrière ses lunettes fumées, le cinéaste iranien Abbas Kiarostami, disparu en 2016 à Paris à l’âge de 76 ans, cachait bien son jeu avec son air d’ascète : d’une profondeur existentielle rare, son œuvre est aussi incroyablement ludique. De ses premiers films pédagogiques ("Les Couleurs", "Rage de dents") jusqu’à ses photographies animées numériquement ("24 Frames"), en passant par ses anti-road movies entêtants ("Le Goût de la cerise"), l’artiste a expérimenté bien des médiums – cinéma, poésie, photographie, vidéo –, maniant l’art de la surprise et de la bifurcation avec la même malice que les enfants têtus qu’il a toujours aimé filmer.

Autour du film :