Quand deux monstres sacrés du cinéma français se rencontrent en enfer, le résultat est dément. “L’Enfer”, c’est d’abord l’histoire d’un film maudit, imaginé par Henri-Georges Clouzot, maître absolu du thriller policier au mitan du siècle dernier (“L'assassin habite au 21”, “Quai des Orfèvres”, “Les Diaboliques”…). En 1964, trois jours après le début du tournage, l’acteur principal Serge Reggiani tombe malade, remplacé à la volée par Jean-Louis Trintignant. Quelques jours plus tard, c’est Clouzot qui est victime d’un infarctus. Le projet est abandonné.
En 1992, les droits de “L’Enfer” sont cédés par Inès Clouzot, seconde épouse du réalisateur, à Marin Karmitz, fondateur de mk2. Un scénario en or pour un autre monstre, Claude Chabrol, observateur aiguisé de la part la plus sombre de la nature humaine. Il fait appel à François Cluzet pour incarner ce mari jaloux sombrant peu à peu dans une folie paranoïaque, tandis qu’Emmanuelle Béart reprend le rôle que Clouzot avait confié à Romy Schneider.
Chabrol n’est pas Clouzot, et privilégie la première mouture du scénario, celle à laquelle son prédécesseur avait renoncé. Moins de visions hallucinées, davantage de réel. La performance ultra-convaincante d’un Cluzet terrifiant renforce la vraisemblance de l’histoire, qui en devient d’autant plus glaçante. Comme Dante, risquez cette descente aux enfers, vous ne regretterez pas le voyage.
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Tristan Brossat, rédacteur en chef, mk2 Curiosity