LES PARAPLUIES DE CHERBOURG

  • France
  • 1964
  • 92 min
  • VF
  • Tout Public
  • Comédie
  • Drame
  • Synopsis
Novembre 1967. Geneviève Émery vit avec sa mère, une veuve désargentée qui tient un magasin de parapluies à Cherbourg. En dépit de la désapprobation de Mme Émery, Geneviève aime le garagiste Guy Fouchet. Ils se jurent une passion éternelle et font des rêves d’avenir. Hélas Guy doit faire son service militaire en Algérie. La veille de son départ, Geneviève se donne à lui. Deux mois passent.

CANNES 1964 – PALME D’OR

  • Notre avis
C’est peut-être l’un des films les plus beaux et tristes du monde. Dans Les Parapluies de Cherbourg, Jacques Demy retrace l’histoire d’amour heurtée entre Geneviève, fille d’une marchande de parapluies sans le sou et Guy, un garagiste mobilisé pour la guerre d’Algérie – conflit que le cinéma français a finalement peu abordé… 

Fan de comédies musicales hollywoodiennes depuis toujours, Demy était frustré que le genre n’ait jamais vraiment pris en France. Qu’importe, en collaborant avec le compositeur Michel Legrand qui l’a convaincu de s’embarquer dans ce projet haut perché qui révéla Catherine Deneuve et fut couronné d’une Palme d’or, il a inventé son propre dérivé français, le film « en-chanté ».

Demy y pose les marques de son monde de rendez-vous manqués, d’érotisme pluvieux et marin, de personnages chantant mais résignés, comme Roland Cassard, le doux rêveur de Lola devenu une sorte d’homme d’affaires un peu strict. Sous les atours légers d’un premier amour qui semble léviter dans le décor fantasmatique de Bernard Evein, Demy exacerbe les passions à coups d’excès et d’artifice, parti-pris trompeur qui nous avait d’abord laissé penser à une partition sucrée, alors même que ce film faussement émerveillé ne parle que de l’horreur de la guerre, de la solitude, du temps qui a passé, des illusions perdues. Demy creusera encore cette veine sombre dans le très politique Une chambre en ville (1982), son deuxième film en-chanté sur fond de lutte des classes, de violences conjugale et policière, et de suicide, dans lequel il affirmait son sens de la démesure et du tragique.

Quentin Grosset, TROISCOULEURS
  • Pour aller plus loin :

Rosalie Varda, fille d’Agnès Varda et Jacques Demy, raconte le tournage des Parapluies de Cherbourg

« Me voilà sur le tournage des Parapluies de Cherbourg, à la fin de l’été 1963. Jacques Demy avait trouvé l’idée charmante de proposer à Hervé (fils de Michel) Legrand de jouer François et à “Mini-moi” d’être Françoise, l’enfant de l’amour, pour la dernière scène du film. Une façon d’arrêter le temps et d’avoir un souvenir de nous à 5 ans. Michel & Jacques, “les Fufu” comme ils s’appelaient, des « Demy faux frères » de création… Un plateau de cinéma, c’est toujours un peu magique. La fausse neige, c’est des kilos et des kilos de gros sel sur le sol et de la pluie de mini-boules de coton… Je me rappelle qu’Agnès avait fait tricoter à la main mon manteau bordé d’un beau ruban ancien et doublé de soie ! Il y avait la sublime Catherine avec son vison et Nino avec son blouson de pompiste.

Mag Bodard, la productrice, m’avait proposé en échange de ma prestation un parapluie taille enfant rose pâle doublé d’un tissu fleuri dans les tons de bleus, et une épicerie en bois avec plein de petits accessoires, boîtes de conserve et bouteilles. Hervé, lui, avait eu droit à la station-service – celle du décor de la chambre de Guy. Je me rappelle que j’aimais bien la station-service ! Hervé et moi, on avait passé la moitié de la nuit sur le tournage, Agnès m’avait prêté son Leica, je me demande si j’ai vraiment fait des photographies. On nous avait chouchoutés avec du chocolat chaud et des bonbons… Je suis repartie tard dans la nuit en me disant que c’était bien d’être actrice ! » 


  • Derrière la caméra
Marins, ouvriers, jumelles excentriques et artistes rêveurs composent la comédie humaine de Jacques Demy. Son œuvre cinématographique nous ouvre un monde, dont on aperçoit déjà les contours dans des courts-métrages comme Ars (1959) ou Le Bel indifférent (1957), et dans son premier long-métrage Lola (1961), en hommage à Max Ophüls.

Rare cinéaste à revendiquer ses racines provinciales et à vouloir filmer la “périphérie”, il nous plonge en 1964 dans l’ambiance d’une ville portuaire où des chassés-croisés amoureux se jouent tout en chansons. Il décroche pour Les Parapluies de Cherbourg la Palme d’or à Cannes et poursuit sa collaboration avec Michel Legrand pour Les demoiselles de Rochefort (1967).

Il est l’inventeur d’une nouvelle forme de cinéma musical, sans équivalent au sein de la Nouvelle Vague, qui mêle la puissance des couleurs à une gravité certaine… car le monde de Jacques Demy est “fait de ces gens échoués qui ne désespèrent pas de prendre la route” (Jean-Pierre Berthomé).