Abbas Kiarostami tourne “Like Someone in Love” en 2012, deux ans après l'élégant “Copie conforme”. Changement de décor et de paradigme. Comme pour revenir à une forme d'ascèse perdue dans ce précédent opus (un casting de stars, les ruelles glamours de l'Italie comme décor), le réalisateur iranien s'expatrie au Japon, avec des acteurs inconnus ou débutants, pour raconter l'histoire de trois solitudes noyées dans l'anonymat d'une grande ville.
Akiko est étudiante le jour, prostituée la nuit, et tente de cacher à son petit ami sa double vie. Un jour, Takashi, un vieux professeur, fait appel à ses services, et un lien inexplicable se noue entre eux, entraînant les personnages dans une relation triangulaire où personne ne sait où commence ni finit la sincérité...
Récit en 24 heures d'une rencontre fulgurante, “Like Someone in Love” déconcerte par sa façon de tout suspendre. Suspension du temps d'abord, mais aussi de la transparence des sentiments. Quelle forme d'intimité Takashi et Akiko ont-ils partagé ? Leur proximité intellectuelle est-elle aussi tarifée, au même titre que leurs échanges charnels, dont on ne connaît pas la vraie nature ?
Abbas Kiarostami, qui contourne toute psychologisation, n'esquisse pas l'ombre d'une réponse. Ce qui l'intéresse, c'est la traversée nocturne que partagent les êtres, les dialogues naturalistes et pudiques.
Par le pouvoir de l'évocation - une épure de la mise en scène, des hors champs suggestifs, des reflets mélancoliques de la ville dans les vitres, des lumières qui pénètrent l'enclos d'une voiture -, le réalisateur donne à son film le laconisme triste mais si beau des haïkus. Tout comme ces poèmes brefs et humbles, qui semblent disparaître une fois prononcés, “Like Someone in Love” est un bijou d'évanescence.
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Léa André-Sarreau, TROISCOULEURS