MATTHIAS ET MAXIME

  • Canada
  • 2019
  • 120 min
  • VF
  • Tout Public
  • Drame
  • Synopsis
Matthias et Maxime sont amis depuis l’enfance. Avec quelques autres, ils forment une bande de garçons dans laquelle il est habituel de boire des bières et de se bagarrer pour s’amuser. Lorsque pour les besoins d’un court métrage amateur les deux hommes sont obligés de s’embrasser, leur relation s’en trouve bouleversée…

Xavier Dolan filme ici, avec subtilité, la violence que représente le fait de vivre dans un cadre hétéronormatif pour tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans celui-ci. En choisissant de faire de la caméra l’élément révélateur d’un désir enfoui, c’est aussi le pouvoir performatif de l’image que souligne le cinéaste canadien dans Matthias et Maxime.

  • Notre avis
Après avoir perdu un pari, Matthias (la révélation Gabriel D’Almeida Freitas, tout en retenue) et Maxime (Dolan lui-même, dans une composition sensible) doivent échanger un baiser devant la caméra d’une amie étudiante en cinéma – geste a priori anodin qui va pourtant les amener à redéfinir toute leur relation. «C’est plus profond qu’une expérience qu’on va laisser derrière soi», nous avait confié Dolan. Les désirs réprimés, les corps qui s’attirent de manière impérieuse…

Pour son huitième film, le cinéaste canadien retrouvait les problématiques intimistes qui lui sont chères, pour les installer dans un film de bande frénétique et remuant, s’approchant, caméra à l’épaule, d’un clan de jeunes surexcités au seuil de la trentaine. Dolan livre ainsi une vraie lettre d’amour à ses amis (on retrouve dans le film ses acteurs fétiches comme l’actrice Anne Dorval, ses collaborateurs fidèles comme le chef opérateur André Turpin, et toute une clique de jeunes comédiens québécois inconnus mais proches du cinéaste), dans des décors qu’il connaît bien, cherchant peut-être une intimité qui lui a manqué sur le tournage de son film précédent, Ma vie avec John F. Donovan, tourné en anglais avec un casting de stars.

On est ainsi saisis par la douceur et la sérénité qui émanent de Matthias et Maxime, dans lequel, malgré l’introspection tourmentée des deux héros, le groupe ne constitue jamais un obstacle à la possibilité de leur idylle. «Ce n’est pas une meute. La chaleur de ces gens contraste avec le désamour de Matthias par rapport à lui-même.» À ce soin de filmer ses proches avec bienveillance s’ajoute visiblement l’envie de renouer avec un certain dépouillement formel, Dolan semblant ici plus que jamais faire confiance à la force d’incarnation naturaliste de son cinéma. Son esthétique se fait plus discrète et suave : elle s’inspire notamment des couleurs pastel et des lumières du livre de photos Looking for Alice de Sian Davey publiée en 2015, dans lequel l’artiste regardait grandir sa fille trisomique avec un regard empli de tendresse.
Avec la même simplicité, le cinéaste délaisse les effets spectaculaires pour se concentrer avant tout sur les visages. Dans le chaos ambiant, il se recentre sur l’émotion contenue dans le moindre tremblement de lèvres, dans une œillade fuyante, dans un geste fragile et hésitant. C’est peut-être dans cette légèreté d’approche que Dolan trouve l’assurance nécessaire pour sonder si finement les mouvements secrets entre le tumulte et le silence.
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Quentin Grosset, TROISCOULEURS

  • Derrière la caméra
Xavier Dolan fut qualifié de "jeune prodige du cinéma québécois" à la sortie de “J'ai tué ma mère” (2009), réalisé à tout juste 19 ans. Depuis, le cinéaste a fait long feu et s'est imposé comme un réalisateur majeur en France et outre-Atlantique. Et s’il dit vouloir quitter le cinéma, son débit de création a longtemps été inarrêtable (huit longs métrages en dix ans). La trentaine passée, le réalisateur prodige a d’ailleurs déjà regardé dans le rétroviseur, particulièrement attiré par les années 1990 et 2000, celles de son enfance. Que ce soit à travers “Laurence Anyways “(2012) ou plus tard dans “Ma vie avec John F. Donovan” (2018), il explore cette période comme pour retrouver le goût de l’innocence, comme pour échapper un temps au statut de cinéaste star qu’il a acquis au fil des années.