MYSTERIOUS SKIN

  • Drame
  • Synopsis

AVERTISSEMENT: CE FILM EST DÉCONSEILLÉ AUX MOINS DE 16 ANS

Brian est un étudiant renfermé, convaincu d'avoir été victime d'un enlèvement par des étrangers. Avec l'aide d'Avalyn, une autre adepte des OVNI, il commence à enquêter sur les souvenirs enfermés dans ses rêves.

Le film est également disponible en DVD chez POTEMKINE

  • Notre avis

Lorsqu’on est un jeune pédé queer en quête de représentations autres, on tombe forcément, un jour ou l’autre, sur la filmographie de Gregg Araki. Les angoisses adolescentes et poursuites extraterrestres de sa Teenage Apocalypse Trilogy  (Totally Fucked Up en 1993, The Doom Generation en 1995 et Nowhere en 1997), et l’errance défoncée de Totally Fucked Up,m’ont offert des images que je n’avais alors jamais vues. Mais, s’il y a un film d’Araki qui a été déterminant dans ma vie, c’est sans doute Mysterious Skin.

S’il m’a laissé un souvenir si fort, c’est que Mysterious Skin a été l’une des premières évocations des violences sexuelles sur mineurs vécues par les enfants gays qu’il m’ait été donné de voir. D’une certaine façon, ce film disait quelque chose de moi ou en tout cas s’adressait en partie à moi. Il m’a mis la puce à l’oreille, m’a conforté dans mes intuitions et m’a si profondément marqué que je l’évoque d’ailleurs dans l’enquête que j’ai consacrée à ce sujet des années plus tard, qui a alors brisé un long tabou au sein de la communauté gay (À la recherche du #MeToo gay, publiée sur le site du média Vice en 2020).

Mais le film ne s’arrête pas là, et donne une représentation assez fine de ce que peuvent produire de tels abus sur ceux qui en sont l’objet, du cycle de violences qui s’ensuit. Élevé dans un environnement dysfonctionnel, Neil devient un enfant sadique et lui-même agresseur, puis, sous le visage d’un jeune Joseph Gordon-Levitt, un adolescent tourmenté et autodestructeur pratiquant le travail du sexe avec des hommes bien plus âgés, comme s’il était condamné à reproduire pour mieux les normaliser le schéma et le script qui lui ont été appris par la contrainte.

Derrière l’esthétique pop et enfantine de son début, Mysterious Skin vire petit à petit au cauchemar. En le revoyant tant d’années après, j’ai réalisé à quel point c’était un film sombre, dur, dangereux, trouble, inconfortable, désespéré et triste, sans justice et sans résolution. Ou plutôt, la seule résolution du film semble être l’abysse sans fond de la violence et de l’horreur, dans une dernière séquence où Araki, jouant sur ce cliché cinématographique des années 1990 qu’est la scène de veillée de Noël, orchestre une conclusion crevant encore davantage le cœur du spectateur.

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Camille Desombre, TROISCOULEURS

https://www.troiscouleurs.fr/article/queer-gaze-camille-desombre