Kaj Munk, pasteur danois iconoclaste, se fait connaître pour ses poèmes et pièces de théâtre, puis par sa résistance contre le nazisme, pour laquelle il est assassiné en 1944. Enfant, il croit fermement qu’à force de prières, il arrivera à ressusciter un de ses amis. Encore marqué par sa cruelle désillusion, il réalise bien plus tard ce miracle dans Ordet, pièce magistrale qu’il écrit en seulement six jours.
Carl Theodor Dreyer, immense cinéaste danois, est considéré par Scorsese comme un des “pères fondateurs du cinéma”. Il a réalisé Vampyr (1932), Gertrud (1964), et s’illustre dès la période du muet avec le chef-d'œuvre La Passion de Jeanne d’Arc en 1927. Il y évoque l’acceptation d’une figure sainte dans un monde de sceptiques, motif qu’il reprend 18 ans plus tard lorsqu’il s’empare d’Ordet.
Il tourne son adaptation dans la paroisse même où exerçait Kaj Munk, dans le Jutland. Il considère que “Les plus grandes tragédies se passent d’une manière très ordinaire”. Et, pour ancrer le drame dans un cadre très réaliste, il emprunte les meubles des habitants.
Mais le décor est surtout très minimaliste, et les dialogues sont réduits au tiers. Dreyer crée une œuvre d’une extrême pureté, qui ne montre que les étapes essentielles de la vie : la naissance, le mariage, la mort… et ce qu’il y a ensuite.
Il laisse ainsi toute la place aux émotions - portées par des personnages très humains et des gros plans, rares mais splendides, sur les visages - et à la réflexion sur ce conte religieux et philosophique. La rivalité de deux pères, le saint pris pour un fou, la confrontation des sciences et des prières, l’enfant qui seul a la foi, sont autant de thèmes qui résonnent encore aujourd’hui.
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Agathe Wippler, mk2 Curiosity