« On sait bien que Bresson, qu’on a dit si raide et janséniste, a fait en vérité le cinéma le plus sensuel qui soit. Quand Michel vole dans le métro, quand il couve ses victimes du regard et fait glisser leur portefeuille sans presque toucher leur manteau, il est lui-même le plus érotique des personnages, et en cela plus qu’aucun autre l’émissaire de Bresson. Or c’est souvent le drame des sensuels, de ne plus savoir quoi faire de leurs gestes quand leur désir bute sur le fait accompli. En s’apprenant à être pickpocket, Michel s’est appris à toucher tout le monde sans toucher personne. S’il voulait tant la prison, c’est peut-être qu’elle seule l’autorise à toucher enfin Jeanne, libéré parce qu’empêché par la grille érotique. « Pour aller jusqu’à toi, quel drôle de chemin il m’a fallu prendre » : c’est à Jeanne qu’il parle, mais à la grille qu’il pense en secret. »
Jérôme Momcilovic, journaliste TROISCOULEURS