SHAME

  • Drame
  • Synopsis

Brandon est en apparence un jeune New-yorkais ordinaire, vivant seul et travaillant beaucoup. Brandon souffre pourtant d’une addiction au sexe, qu’il se donne un mal fou à cacher à son entourage. Lorsque sa soeur Sissi, chanteuse en manque d’amour, débarque dans sa vie, les habitudes de Brandon sont chamboulées. Devinant peu à peu les pratiques honteuses de son frère, Sissi ne le juge pas et tâche de le faire parler. Ensemble, le frère et la soeur vont tenter de combattre leurs addictions et d’unir leurs solitudes.

  • Notre avis

Avec “Shame”, le vidéaste britannique Steve McQueen creuse la veine organique et claustrophobe de son premier long métrage, le remarqué “Hunger” (2008), en même temps qu’il en inverse le dispositif. Là où les corps des prisonniers politiques de l’IRA dans les années 1980, dans “Hunger”, étaient instrumentalisés à des fins de libération politique, la sexualité débridée du héros de “Shame”, Brandon (Michael Fassbender), se retourne contre lui – jusqu’à le confiner dans une prison émotionnelle sans issue. À la cellule irlandaise de l’activiste Bobby Sands répond le New York interlope de Brandon, filmé comme une geôle à ciel ouvert, dont les transparences et les reflets font chuter le sex addict. Entretien avec le maître des lieux, l’impassible Mcqueen.

  • Pour aller plus loin :

[mk2 Curiosity] Les titres de vos deux films, “Hunger” et “Shame”, se répondent. Les avez-vous pensés comme un diptyque ?

[Steve McQueen] Pas exactement. Dans “Hunger”, Bobby [Sands] se prive de nourriture pour créer les conditions de sa liberté à l’intérieur d’une prison. Dans “Shame”, au contraire, Brandon se croit libre en multipliant les relations sexuelles, mais, ce faisant, il crée sa propre prison mentale. Il s’agit, dans les deux cas, d’autodestruction, mais chacun utilise son corps à des fins opposées.

[mk2.C] « J’envisage l’écran comme un miroir», nous disiez-vous il y a trois ans. Est-ce toujours le cas ?

[S.M] Absolument. Les spectateurs doivent se reconnaître à l’écran. J’aimerais que “Shame” fasse sur son public un effet semblable à celui du sifflement du maître sur son chien.

[mk2.C] « L’art est une manière d’organiser la forme », déclariez-vous également. Il y a beaucoup d’échos visuels, narratifs et musicaux dans “Shame”. Pourquoi ?

[S.M] Parce que nous répétons sans cesse les mêmes gestes ! La mise en scène doit servir au mieux le scénario, même si ce sont deux choses distinctes à mes yeux. Par exemple, “Shame” commence par une plongée parce que Brandon est allongé, pensif, sur un lit. Puis l’on découvre ce qui s’est passé avant, et qui se passe chaque matin : il se lève, urine, prend une douche, etc. Le film s’ouvre sur l’idée de rituel. Ce rituel aide à définir le personnage, qui lui- même dicte la grammaire visuelle.

[mk2.C] Pourquoi avoir tourné “Shame” à New York ?

[S.M] Je voulais faire le film à Londres, mais la notion d’addiction sexuelle y est taboue. Abi Morgan, la coscénariste, et moi sommes donc allés à New York, où nous avons rencontré des spécialistes du sujet. Nous avons pu dialoguer avec certains de leurs patients. Après leurs « sexcapades », ils nous disaient se sentir honteux ; et pour se sortir de ce sentiment de honte, ils plongeaient à nouveau dans le sexe ! C’est un cercle vicieux, un rituel pervers.

  • Derrière la caméra

Steve McQueen. Un seul nom, deux légendes du cinéma. Le premier est acteur. Le second, dont il est question ici, est un réalisateur britannique dont les films ont reçu de très nombreux prix. Après avoir réalisé 11 courts métrages, il passe au long avec quatre propositions extrêmement fortes saluées par la critique et le grand public : “Hunger” (2008) , “Shame” (2011), “Twelve Years a Slave” (2013) et “Les veuves” (2018). En 2023, il revient avec “Occupied City”, présenté en séance spéciale au Festival de Cannes.

Autour du film :