Dans Sunday (1996), tout part d'un quiproquo où Oliver, résident d’un foyer pour sans-abri à New York, est confondu avec un réalisateur par Madeleine, une actrice vieillissante et désespérée. Ce dernier se retrouve alors contraint de pitcher un soi-disant film qui s’avère en réalité être son histoire personnelle.
À partir de cette mise en abyme, la narration se fragmente, la temporalité se distord. On est comme plongé dans un dimanche qui recommence sans cesse. Un temps dans la psyché d’Oliver, au contact direct des tourments de son quotidien au foyer. Puis au cœur de sa relation naissante avec Madeleine, tragiquement fondée sur le mensonge.
Une liaison entre deux êtres abîmés par les échecs, aux corps et aux visages usés par la vie, filmée par Jonathan Nossiter en plans serrés avec une grande tendresse. Comme Oliver et Madeleine, on se surprend alors à espérer que cette journée si particulière - sorte de bulle temporelle où l’envie de refaire surface renaît petit à petit - ne finisse jamais.
La narration est également entrecoupée par les déambulations des autres pensionnaires du foyer dans les rues enneigées du Queens. L’un chante dans le métro pour quelques pièces, l’autre fouille une déchetterie tandis qu’un troisième végète sur le banc d’une gare. Des bâtiments grisâtres aux maisons résidentielles abandonnées, en passant par les fast-foods aux murs gras, ces tribulations permettent au cinéaste de filmer la ville avec une approche didactique, voire documentaire, et d’exposer les conditions de vie de ces quartiers sacrifiés.
_
Hugues Porquier, mk2 Curiosity