En novembre 1978, une proposition de loi interdisant aux homosexuels d’accéder à des postes d’enseignement est débattue en Californie. Rob Epstein, cinéaste documentant la lutte pour les droits LGBT, repère le plus éloquent opposant à cette loi discriminante : Harvey Milk. Muni d’une caméra, il le suit pour monter un documentaire sur cet homme exceptionnel qui, premier gay récemment élu au Conseil des superviseurs de San Francisco, est une formidable source d’espoir pour la communauté LGBT et toutes les minorités californiennes. Mais trois semaines après son élection, il est assassiné.
Le documentaire de Rob Epstein change alors de tournure. Il lui faut cinq ans pour le terminer - soit plus de temps qu’il n’a fallu à l’assassin d’Harvey Milk pour être libéré, se désespère-t-il encore. Ce documentaire, qui n’est que le deuxième du réalisateur, devient le premier film ouvertement queer à obtenir un Oscar. L’histoire, déjà essentielle en soit, est brillamment traitée.
Comme l’indique le titre, Epstein dépeint une époque, plus encore qu’un personnage. La vie personnelle de Harvey Milk fait d’ailleurs l’objet d’un autre film, complémentaire au documentaire sur lequel il se fonde : Milk, réalisé en 2008 par Gus Van Sant, grand ami de Rob Epstein.
Alors qu’il a interviewé près d’une centaine de connaissances d’Harvey Milk, Epstein choisit de ne garder qu’une petite dizaine d’intervenants. Chacun devient ainsi un personnage à part entière, dont le témoignage plein d’authenticité marque d’autant plus.
Six ans après l’attentat, tous racontent avec un sourire rayonnant l’élection de Milk, puis, sans parvenir à retenir leurs larmes, son décès. C’est cette “vérité émotionnelle” que Rob Epstein recherche sans cesse pour ses documentaires. Dans celui-ci, il l’a assurément trouvée, et nous laisse sur une profonde colère face à cette injustice.
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Agathe Wippler, mk2 Curiosity