TONI ERDMANN

  • Drame
  • Comédie
  • Synopsis
Ines est une femme d'affaires travaillant pour une grande société allemande basée à Bucarest. Alors qu'elle se prépare pour une importante réunion qui doit assurer la suite de sa carrière, son père, Winfried, débarque chez elle sans prévenir. Un père avec lequel elle ne partage presque plus rien, en particulier sur le plan politique et moral. Winfried, quant à lui, s'inquiète pour sa fille, qu'il trouve malheureuse. Pour l'aider, il décide de s'inventer un facétieux personnage : Toni Erdmann... En sélection officielle du Festival de Cannes 2016, nommé aux Oscars, César et Golden Globes comme meilleur film étranger de l'année.
  • Notre avis
Au début de Toni Erdmann, film allemand de Maren Ade, un homme accueille sur le pas de sa porte le facteur, venu délivrer un colis, puis s’éclipse pour laisser la place à son frère, un type à la fois grotesque et inquiétant, qui récupère le paquet. On suit ce dernier à l’intérieur de la maison, et le voilà qui enlève une perruque, se défait d’un dentier : les deux frères étaient en fait un seul et même homme. 

A-t-on affaire à un fou, façon Norman Bates dans Psychose ? La suite du film s’appliquera à répondre que non : malgré ses déguisements, ses blagues potaches et ses coussins péteurs, Winfried est sans doute le plus sensé des protagonistes en présence. Sa fille Inès, par exemple, trentenaire carriériste, est certes raisonnable et sérieuse, mais aussi complètement à côté de ses pompes... À l’image du personnage de Winfried, Toni Erdmann est un film surprenant, audacieux et très drôle, mais surtout bien plus grave qu’il n’y paraît. 

Prenant au pied de la lettre l’absurdité du monde moderne (les manigances d’une société pétrolière pour licencier en masse, l’aliénation au travail, l’incommunicabilité entre un père et sa fille), étirant chaque situation jusqu’au malaise, il fait jaillir un rire incontrôlable et enragé, un pur rire cathartique.

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Juliette Reitzer, TROISCOULEURS
  • Pour aller plus loin :
Les inspirations de Maren Ade : 

Vous vous êtes inspirée de votre propre père pour écrire le film ?
Oui, un peu. Il fait beaucoup de blagues aussi, il a un sacré répertoire. Je lui ai offert, il y a quelques années, un faux dentier qu’il portait en public, comme si de rien n’était, avec beaucoup de sang-froid ; les gens ne savaient pas trop comment réagir… J’avais surtout envie de faire un film sur la cellule familiale : tout est ritualisé, chacun y a un rôle précis et figé, mais personne ne se reconnaît vraiment dans son étiquette. Du coup, j’ai pensé que ce serait intéressant de faire une sorte de jeu de rôle dans une famille, que deux personnes qui se connaissent, ou pensent se connaître très bien, recommencent tout depuis le début.

Quels cinéastes savent vous faire rire ?
Pour ce film, je me suis plus inspirée de comédiens que de réalisateurs, notamment d’Andy Kaufman, que j’aime beaucoup. Il a créé de nombreux personnages, mon préféré étant Tony Clifton, un chanteur de piano-bar complètement outrancier, avec un look improbable. J’ai passé des semaines sur Google à faire des recherches sur ce personnage qui m’a inspirée pour Toni. Dans l’Amérique des années 1970, Clifton insultait les femmes jusqu’à ce qu’elles le frappent, il les faisait sortir de leurs gonds en leur disant qu’elles n’étaient bonnes qu’à la cuisine. Il voulait faire naître une rage féministe en elles.

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Maren Ade, interrogée par Raphaëlle Simon, TROISCOULEURS


Autour du film :