UNE AFFAIRE DE FEMMES

  • France

  • 1988

  • 108 min

  • VF

  • Tout Public

Comment la mauvaise conscience de la France de Vichy se soulagea en condamnant à mort et en exécutant Marie, la faiseuse d’anges. Une des toutes dernières femmes exécutées en France, le 31 juillet 1943.
Claude Chabrol a découvert le cinéma chez sa grand-mère à l’époque où la France était sous le joug du régime de Vichy, et sera toute sa vie fasciné par cette période trouble. Il y a consacré des films de fiction, comme Landru (1963) ou La Ligne de démarcation (1966), ainsi qu’un documentaire, L’Oeil de Vichy (1993).
 
Dans Une affaire de femmes (1988), adaptation du roman éponyme de Francis Szpiner qui s’inspire de l’histoire vraie de Marie-Louise Giraud, une des dernières femmes guillotinées, le cinéaste explore à nouveau ces années sombres avec une précision quasi-documentaire. Il nous montre une France grisâtre, dans laquelle Marie Latour - jouée par une Isabelle Huppert magistrale - tente de survivre avec ses deux enfants, Mouche et Pierrot. Après avoir soulagé une amie d’une grossesse indésirable, la jeune femme découvre que l’avortement peut drastiquement améliorer ses conditions de vie. Sa débrouillardise lui permet d’offrir un confort de vie inespéré à son mari (François Cluzet), soldat abîmé qu’elle ne cesse de repousser. 
 
Le personnage de Marie est constamment ambivalent. Elle dégage une certaine candeur, révélée par son incompréhension de la situation politique ou son rêve naïf de devenir une chanteuse connue. Mais cette ingénuité apparente est effacée par des roueries à répétition. Elle n’hésite pas à augmenter le prix des avortements pour répondre à ses nouvelles envies, à trouver un métier à son mari pour s’adonner à l’adultère, et même à payer sa “bonne” pour qu’elle couche avec ce dernier. À travers ce portrait ambigu, qui rappelle celui du personnage complexe de Violette Nozière (1978), jouée par Huppert dans un autre film de Chabrol, ce dernier redonne sans pour autant les glorifier une place à ces femmes de l’ombre, souvent mises à l’écart des représentations cinématographiques de la Seconde Guerre mondiale. Ni toutes noires, ni toutes blanches, et donc humaines. 
 
Le funeste destin de cette faiseuse d’anges permet également à Chabrol de mettre en scène une double injustice. Sociale : “Chez eux, ils ont des bonnes pour s’occuper des gosses. C’est facile de pas faire de saloperies quand t’es riche.”, note Marie. Et personnelle : la peine de mort prononcée par un régime de Vichy fortement influencé par l’Eglise catholique de l’époque, qui la considère comme une “assassin de la Patrie”. A travers ce personnage insondable, Chabrol s’attaque aussi à ces institutions rétrogrades, sclérosées par l’injustice et le mépris de classe.

Hugues Porquier, journaliste, mk2 Curiosity


En 1985, quand il fait parvenir le scénario de “Poulet au vinaigre” à Marin Karmitz au siège de MK2, Claude Chabrol a déjà 55 ans, et près de quarante longs métrages à son actif. Depuis ses premiers succès, qui inaugurent en 1959 la Nouvelle Vague (“Le Beau Serge”, prix Jean-Vigo ; “Les Cousins”, Ours d’or à Berlin), le cinéaste a fait joyeusement valser bourgeois de province, secrets de famille, amants jaloux, crimes passionnels et mesquineries ordinaires – “Les Biches”, “La Femme infidèle”, “Que la bête meure”, “Le Boucher”... Mais dans les années 1980, à l’instar des autres cinéastes de la Nouvelle Vague, il peine à trouver des producteurs pour ses films. “Poulet au vinaigre” est heureusement un succès et inaugure une collaboration au long cours entre le cinéaste et le producteur Marin Karmitz : douze longs métrages, de “Poulet au vinaigre” à “La Fleur du mal” (2002), en passant par “Masques” (1987), “Une affaire de femmes” (1989), “Madame Bovary” (1991), “Betty” (1992), “L’Enfer” (1994), “La Cérémonie” (1995), “Au cœur du mensonge” (1999) ou “Merci pour le chocolat” (2000). En 2009, “Bellamy”, avec Gérard Depardieu, sera son dernier film.