INTERVIEW

mk2 Curiosity : Comme dans Le bois dont les rêves sont faits (2016), votre film sur le bois de Vincennes, dans Notre Corps, vous avez plongé dans un périmètre délimité avec la surprise de la rencontre. Vous ne pouviez pas caster à l’avance la majorité des personnes que l’on allait voir à l’écran. Avez-vous pensé les deux films de la même manière ?

Claire Simon : Non, parce que pour la première fois sans doute, je ne me suis pas occupée du lieu [comme Claire Simon l’explique dans le prologue, c’est la productrice Kristina Larsen qui lui a soufflé l’idée d’aller filmer l’hôpital après y avoir passé deux ans, ndlr]. Mon idée, c’était vraiment d’appréhender le temps, de la jeunesse à la vieillesse. J’avais aussi le regret, sur Les Bureaux de Dieu [sa fiction se déroulant au Planning familial, sortie en 2008, ndlr], de ne pas avoir raconté que certains médecins faisaient aussi des suivis de grossesses. C’est-à-dire que ce n’était pas que pour des IVG. Dans Notre Corps, il y a tout. Je trouvais ça beau, que tout le corps gynécologique soit dans un seul service. J’espère que ça permettra aux gens de comprendre qu’avoir un cancer des poumons ou se casser une jambe, ce n’est pas la même chose que d’avoir un cancer du sein ou de faire un bébé. Il y a tout le temps un impact émotionnel, personnel, avec les autres, qui n’existe pas avec les autres organes.

mk2 Curiosity : Vous filmez vous-même. Comment trouvez-vous la juste place de la caméra, dans ce genre d’espaces exigus et devant des opérations ou des moments qui peuvent sembler très crus ?

C.S. : Pour l’accouchement, je voulais toujours filmer de profil. Faire le lien entre le visage de la femme qui accouche et le bébé qui sort. Je ne voulais pas être entre les jambes – et de toute façon je crois que je n’aurais pas pu. Sur la césarienne, on n’a pas eu beaucoup de choix. J’ai eu la chance de pouvoir par moments être vraiment en face, et je dois dire que quand le liquide amniotique est sorti, moi j’avais la trouille de filmer ça, je me suis dit que ça allait salir l’optique. Après, je me suis dit : « Ah bah ma petite, ça y est tu peux presque aller à la guerre maintenant ! »