LES KENNEDY (1/4) : PRIMARY

  • Documentaire
  • Synopsis
En 1960, Robert Drew, journaliste américain et pionnier du « cinéma vérité », reçoit un accès direct à John Fitzgerald Kennedy. Il le filme durant toute sa campagne présidentielle et jusqu’au bureau ovale. De cette collaboration découleront quatre films remarquables et extrêmement intimes, que nous vous présenterons tout au long des prochains épisodes - "Primary" sur la campagne présidentielle de 1960 ; "Adventures on the New Frontier" sur les premiers jours à la Maison Blanche ; "Crisis", sur le combat du président pour l’intégration de deux étudiants noirs dans l’université d’Alabama ; et le dernier film, "Faces of November", hommage poétique après l’assassinat de JFK en 1963.

Robert Drew et son équipe de cameramen de choc allaient transformer le cinéma documentaire : équipe réduite, caméras légères, zéro lumière artificielle, tournage sur le vif au plus près des protagonistes et de la foule. Ils participeront à la naissance d’un nouveau genre : le cinéma direct. Les représentants de cette tendance (Donn Alan Pennebaker, Frederick Wiseman…) s’imposent bientôt comme les plus grands documentaristes des États-Unis.

  • Notre avis
Primary et les trois autres documentaires que Robert Drew a consacrés à l’aube du mandat de John Fitzgerald Kennedy sont, indéniablement, des films pionniers.
Tourné en cinq jours par différents opérateurs dont Richard Leacock, Don Alan Pennebaker et Albert Maysles, qui réaliseront tous par la suite quelques chefs-d’œuvre du documentaire américain, Primary approche la vie politique – et la vie tout court – d’une manière inhabituelle, au plus près des visages, des corps, épousant leur rythme, se glissant dans leurs mouvements, ne perdant rien des détails (regards, gestes) sans qu’aucune narration off ne vienne les décrire pour nous. D’un côté, le candidat Hubert Humphrey, qui, fidèle à sa ligne populiste vieille école, sillonne les fermes et tape sur l’épaule des fermiers – au son d’une chanson de campagne qui, elle, pour le coup, est bel et bien inspirée de Davy Crockett. De l’autre côté, la photogénie de Kennedy, l’invention sous l’œil des caméras de l’équipe de Robert Drew de la communication politique moderne. Refusé par les grandes chaînes américaines, le documentaire Primary voit sa diffusion restreinte à un réseau indépendant, mais marque vite les esprits – en France notamment, où il est acclamé comme une révolution.

De son côté, Kennedy, sorti vainqueur des primaires puis de la présidentielle, convaincu et sûrement flatté par le film, ouvrira deux fois de plus les coulisses du pouvoir (du moins ce qu’il voulut en montrer) à l’équipe de Robert Drew : ce seront Adventures on the New Frontier, que nous évoquions plus haut, et l’admirable Crisis. Behind a presidential commitment (1963, sortie américaine). Avec ce dernier, Drew veut montrer comment se résout une crise, comment se prend une décision au sommet de l’État. C’est un pur fantasme de journaliste : « Et si l’on pouvait remonter le temps et voir ce qu’il s’est passé à la Maison-Blanche pendant les vingt-quatre heures qui ont précédé la déclaration de guerre au Japon ? » songe-t-il. Ici, la crise se joue en Alabama, au sujet de deux jeunes étudiants noirs à qui le gouverneur, en dépit d’une promesse de la nouvelle administration fédérale, refuse l’entrée à l’université. Et devant ce montage virtuose qui fait s’entrelacer les points de vue (Bob Kennedy le procureur général, son adversaire le gouverneur, toutes sortes de conseillers et d’intermédiaires) avec la tension d’un thriller, on entrevoit comme jamais auparavant les mille et une ruses qui sont le moteur de la vie politique.

Le dernier film, Faces of November (1964), clôt tragiquement un cycle qui était appelé à durer jusqu’à la fin du mandat du jeune président : c’est un film tourné pendant les obsèques de JFK. Considérés à soixante ans de distance, ces quatre documentaires ont plus d’une raison de fasciner. Minutieux documents d’époque, célébration d’un nouveau geste documentaire, capture sur le vif du théâtre social, ils racontent aussi cette concordance émouvante entre un jeune président et un jeune journaliste-cinéaste, unis par leur désir d’inventer l’avenir. Drew lui-même ne pouvait l’ignorer, qui refermait le deuxième volet de la série par un discret mais malicieux carton célébrant, en miroir des présidentielles « adventures on a new frontier », ses propres « adventures in reporting » appelées à marquer d’un sceau décisif l’histoire du cinéma.
_

Jérome Momcilovic, TROISCOULEURS

  • Derrière la caméra
Robert Drew est considéré comme l'un des pères du cinéma-vérité dans les années 50.

Autour du film :