INTERVIEW

INTERVIEW de Christine Angot

mk2 Curiosity : Qu’est-ce que vous avez trouvé en faisant Une famille que vous ne trouviez pas en écrivant ?

Christine Angot : Les images. Quand on écrit, les images sont mentales, elles viennent de la résonance des phrases et des mots entre eux, immédiatement traduits intérieurement par chacun. L’image, même si elle est interprétée différemment par chacun, peut être décrite de manière concrète. Elle est là, présente, de l’ordre de la preuve. La preuve par l’image. On voit. Et on entend. Et on comprend.

mk2 Curiosity : C’est intéressant, cette idée de preuve par l’image. J’écoutais une émission où l’avocate de la victime de Philippe Caubère disait qu’on demandait toujours des preuves aux victimes, mais jamais aux accusés…
C.A. : Mais vous savez, la vérité, ça s’entend. C’est musical. Le problème c’est que la vérité de la voix ne fait pas partie des qualifications juridiques admises. Celles-ci sont du ressort du raisonnement, justement un des appuis, un des points forts de la perversion. La perversion, avant tout, c’est un raisonnement, des arguments pour faire plier, et avoir raison.
mk2 Curiosity : Et le mot « victime », qu’est-ce que ça vous inspire ?

C.A. : Le mot « victime », en adjectif, je l’utilise, et je le comprends, je comprends la phase : « J’ai été victime de… d’inceste, par exemple. » Au pluriel, « les victimes », en tant que statut, je comprends moins, ça fait un peu catégorie, statistique, rangement, case, tiroir où on met tout ce qui traîne. Je comprends moins bien. Je ne réclame aucun statut. En revanche, je n’ai aucun problème à dire, bien sûr, que j’ai été victime d’inceste. En tant qu’adjectif. Et que c’est une chose qui a des conséquences sur toute la vie.


propos recueillis par Joséphine Leroy pour TROISCOULEURS

BANDE-ANNONCE - UNE FAMILLE

"Une famille" dans les salles mk2