LE RENDEZ-VOUS | MOLLY MANNING WALKER

Pour la sortie de son premier long métrage How to Have Sex, la réalisatrice britannique Molly Manning Walker nous offre son film Good Thanks, You?, primé dans de nombreux festivals.

SA SÉLECTION

Figure d’une nouvelle vague de cinéastes britanniques aux côtés de Charlotte Wells (Aftersun), Georgia Oakley (Blue Jean) et Charlotte Regan (Scrapper), Molly Manning Walker a fait sensation au dernier Festival de Cannes. Son premier long métrage, How to Have Sex - à voir en salles - y a reçu le prix Un certain regard qui récompense les films originaux et audacieux. 

Arrivée à la bourre à la cérémonie de remise du prix, la jeune cinéaste de 30 ans a laissé l’opportunité au président du jury John C. Reilly de faire le show, filmé pour nous depuis la scène par le réalisateur Davy Chou, dans une séquence mémorable.

Suivant une bande d’ados anglaises en vacances sur l’île de Malia, en Crète, How to Have Sex interroge les zones grises et la notion de consentement, sur fond de soirées alcoolisées où la perte de la virginité se vit comme un passage obligé problématique.

Sélectionné en 2020 à la Semaine de la Critique du même Festival de Cannes, le formidable court métrage de Molly Manning Walker, Good Thanks, You? - à découvrir gratuitement pendant 7 jours - interroge lui aussi les répercussions psychologiques d’une agression subie par une femme. La cinéaste a également sélectionné pour vous ses films préférés de notre catalogue.

INTERVIEW

mk2 Curiosity : Vous semblez faire partie d’une nouvelle vague de réalisatrices britanniques, aux côtés de Charlotte Wells (Aftersun), Georgia Oakley (Blue Jean) et Charlotte Regan (Scrapper), qui renouvellent les codes de mise en scène, les regards et les approches, notamment sur les jeunes filles…

Molly Manning Walker : Oui, c’est vraiment cool ! J’ai l’impression que c’est une volonté des décideurs, ils avaient dans l’idée de lancer des carrières de jeunes réalisatrices en en recherchant activement. Pour moi, c’est ce dont le monde a besoin en ce moment, des gens qui prennent ce genre de décisions. Et puis, on est la géné­ration du 5D [un appareil de la marque Canon lancé sur le marché en 2015 et permettant de filmer avec un rendu d’image proche du cinéma pour un coût bien plus modeste], avant, il y avait un vrai gap de connaissance technique. Charlotte Regan et moi, on a grandi avec une caméra dans les mains. Elle faisait des vidéos Instagram et je faisais des documentaires quand on avait 14 ou 15 ans. Je pense que l’industrie du cinéma britannique est très excitante aujourd’hui. Et, en fait, la vague vient d’un peu partout dans le monde : Ramata-Toulaye Sy (Banel & Adama), Céline Song (Past Lives), Savanah Leaf (Earth Mamma)

mk2 Curiosity : Votre court métrage Good Thanks, You? (2020) portait déjà sur les répercussions psychologiques d’une agression pour une femme. À quel point pensez-vous que le cinéma puisse changer la vision des gens sur ce sujet, voire changer la société ?

M.M.W. : Une grande quantité de gens est venue me voir pour me remercier d’avoir fait ce court métrage. Déjà, je crois que ça m’aide, moi, d’en parler. Et puis, How to Have Sex a lancé une conversation. C’est génial, j’ai l’impression d’avoir un véritable pouvoir, aussi par rapport à toutes les critiques du style : « Mais pourquoi l’héroïne ne fait pas ceci ou cela ? » J’espère que la discussion amorcée va leur permettre de changer de perspective.

mk2 Curiosity : Trouvez-vous que les choses ont changé depuis le début du mouvement #MeToo au sujet du consentement, notamment chez la jeune génération ?

M.M.W. : Je trouve qu’on est plus au courant, mais je ne sais pas s’il y a plus d’actions concrètes. La semaine dernière, en Angleterre, une jeune fille a été poignardée par un garçon parce qu’elle ne voulait pas sortir avec lui. On en est toujours là, une fille de 16 ans est tuée parce qu’elle a refusé d’embrasser un garçon…

mk2 Curiosity : Et vous, dans quel environnement avez-vous grandi ?

M.M.W. : J’ai grandi dans l’ouest de Londres. Mes deux parents sont réalisateurs autodidactes, c’est eux qui m’ont transmis leur passion, ils n’ont jamais eu le succès qu’ils méritaient sans doute. Ils étaient très débrouillards, ils faisaient leurs films avec leur caméra DV tout en travaillant le soir dans des supermarchés. Ils ont tout fait pour que ça marche, mais ils n’ont pas réussi à percer. Ils m’ont beaucoup inspirée, en matière de créativité et de motivation. Ils ne m’ont pas vraiment donné une éducation cinéphile, on ne regardait pas trop de films ensemble quand j’étais gamine, car ils étaient trop occupés – ils nous laissaient jouer à la PlayStation et à la Nintendo –, mais ils m’ont appris le processus pour faire un film.

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Propos recueillis par Timé Zoppé, TROISCOULEURS
Photographie : Marie Rouge pour TROISCOULEURS

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