- LA DOUBLE VIE DE VÉRONIQUE
- KRZYSZTOF KIESLOWSKI
- Weronika vit à Cracovie et Véronique à Clermont-Ferrand. Les deux jeunes femmes se ressemblent en tout point. Toutes deux ont une voix magnifique et sont dotées d'un sens de la musique tel qu'elles chantent à merveille. L'une et l'autre souffrent également d'une malformation cardiaque. Leurs destins semblent diverger lorsque Weronika meurt peu après un concert. Véronique s'éprend quant à elle d'un écrivain, Alexandre Fabri, rencontré lors d'un spectacle de marionnettes. Mais Alexandre disparaît. Véronique se lance sur ses traces et parvient à le retrouver grâce aux messages que l'écrivain lui fait parvenir. Alexandre lui révèle alors qu'il travaille sur un livre contant l'histoire de deux jeunes femmes identiques, nées dans deux pays différents...
INTERVIEW
mk2 Curiosity : « L’amour est la chose la plus importante du monde », disait le personnage d’Anne Dorval dans votre premier court métrage, Quelqu’un d’extraordinaire, en 2013. Vous êtes d’accord ?
Monia Chokri : Ça fait partie de mes obsessions. Avoir eu une structure où on a appris à aimer et à être aimé, c’est fondamental dans la construction d’un individu pour réussir à traverser les épreuves de la vie. C’est la base de tout. Et c’est un sujet inépuisable, surtout quand on est une femme parce qu’il a été moins exploité par l’écriture des femmes.
mk2 Curiosity : Dans quel environnement avez-vous grandi ?
M.C. : J’ai eu de la chance. La Femme de mon frère est un hommage à l’amour que mes parents et mon frère m’ont conféré pour que je puisse être un être solide sur deux pattes. C’est ma chance absolue d’avoir été aimée enfant, d’avoir été soutenue. Ça m’a permis d’affronter le monde avec plus de facilité que si j’étais née dans un environnement plus hostile. J’ai passé une enfance assez joyeuse où on communiquait beaucoup. Mes parents et mon frère sont curieux, cultivés, on pouvait débattre de tout. Ce sont des gens qui ne sont pas snobs. On était capables de faire des choses très normales et, en même temps, mon frère peut te parler de Martin Heidegger. Mon environnement était aussi très éclectique. Mon père est tunisien, on allait en Tunisie l’été ; ou j’allais à la campagne au Québec dans ma famille.
mk2 Curiosity. : Vous utilisez beaucoup le zoom, qui vous permet de filmer les personnages de très loin. Qu’est-ce qui vous plaît dans cet effet ?
M.C. : C’est un travail que j’avais commencé à explorer dans Quelqu’un d’extraordinaire, La Femme de mon frère et aussi dans Babysitter. Là, j’avais vraiment envie que tout le film soit au zoom. Je l’imaginais comme un documentaire animalier, comme si j’allais observer des animaux en rut. J’avais aussi envie de laisser mes acteurs respirer dans l’espace, un peu à la John Cassavetes. Et puis j’aime le grain que crée le zoom.
mk2 Curiosity : À travers vos films, vous avez d’abord en tête de bousculer les normes ?
M.C. : Non, jamais. Tout ce que j’essaie de faire, c’est raconter une bonne histoire. Quand j’étais toute jeune, il fallait que j’écrive une saynète pour un conservatoire. J’avais dit à l’intervenant : « Je veux dire ça, voilà les thèmes que j’aimerais aborder… » Il m’a dit : « Concentre-toi sur le fait d’écrire une bonne histoire parce que tout ce que t’as dans la tête, tes enjeux, tes insécurités, tes fantasmes, tes valeurs vont se déployer dans ton écriture. Tu n’as pas besoin d’y penser, elles vont émaner. » J’essaie juste de raconter une bonne histoire en espérant que ça plaise aux gens, et, après, tout ce qui est autour va se déployer. Par la force des choses, comme je suis féministe, le film va forcément avoir une tangente féministe. Mais je n’ai pas la volonté ni de faire rire, ni d’émouvoir, ni d’être dans une controverse. Ça m’étonne même quand ça arrive.
mk2 Curiosity : Magalie Lépine-Blondeau apparaissait déjà dans Quelqu’un d’extraordinaire et dans La Femme de mon frère. C’était évident de lui confier cette fois le rôle principal ? (de Simple comme Sylvain)
M.C. : Magalie, c’est ma meilleure amie, on est très proches. C’est une des premières personnes qui a lu le scénario, et elle m’a fait part de son désir de jouer le rôle. Je ne lui ai pas tout de suite offert, ça m’a pris une année, mais c’est vrai que je n’ai pas tellement imaginé d’autres actrices. Elle a à la fois cette sensualité, cette beauté et, dans son visage, quelque chose de l’ordre du romantisme. En même temps, c’est une vraie intellectuelle. Elle est très intelligente, très articulée. Souvent, le cliché, c’est qu’une femme intello est sèche ou pas belle. Je voulais montrer qu’il y a toutes sortes d’intellectuelles, dont certaines ravissantes.
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Propos recueillis par Chloé Blanckaert