Notre avis sur État Limite

Il monte et descend les vertigineux escaliers de l’AP-HP de Clichy, sa cape blanche soulevée de ses pas pressés. Il s’appelle Jamal Abdel Kader et tout le monde le connaît au service psychiatrie, l’un des plus démunis de l’hôpital. Il écoute puis rassure d’une voix douce ses patients, ceux qu’on a vite fait d’appeler les fous. Immergée dans son quotidien, la caméra l’accompagne jusqu’au chevet de rencontres parfois très intimes.

On l’imagine : Jamal est la condition même du film. Son sujet aussi, tant le psychiatre impressionne par sa résistance aux injonctions productivistes de l’État ; résistance où miroitent les théories foucaldiennes sur l’exclusion organisée des plus réfractaires à la norme.

Le cinéaste sait qu’il tient là un vrai personnage de cinéma, auquel on s’accroche comme à un radeau dans la tempête – analogie d’autant plus frappante que Peduzzi filme le bâtiment à la manière d’un grand vaisseau qui tangue.

Idée formelle parmi d’autres, qui ont le mérite d’arracher le documentaire à un certain classicisme. Mieux : elles installent une féerie à l’origine de beaux moments de grâce, notamment lors de discussions qu’on croirait les dernières avant la fin du monde. Et le cinéaste d’en immortaliser la grave mélancolie, comme une bouteille à la mer jetée du haut du pont principal.
_

David Ezan, TROISCOULEURS

BANDE ANNONCE - ÉTAT LIMITE