INTERVIEW de Xavier Legrand

mk2 Curiosity : Dès Jusqu’à la garde, la paternité était déjà associée à une menace, les personnages fuyaient un patriarche. Quelles résonances personnelles entretenez-vous avec ces histoires ?

X.L. : Je n’aime pas trop parler de moi, de ma vie, de mon enfance, de ma famille, parce qu’on finit toujours par évoquer des gens qui ne veulent pas qu’on parle d’eux. Mais oui, je me suis construit dans une famille assez patriarcale, on peut dire terrorisante. Forcément, ça se retrouve en filigrane dans ce que je produis. 

mk2 Curiosity : Pour vous, le fait divers est une bonne base de cinéma ?

Xavier Legrand : Je trouve qu’il s’agit d’un terrain très intéressant : les victimes comme les gens qui commettent les crimes sont avant tout humains. À un moment donné, quelque chose a cloché, et les faits divers nous donnent accès à ces failles. Dans Jusqu’à la garde, je mettais en scène un homme violent : j’ai pris le parti d’en faire un homme malheureux, qui pense aimer, mais très mal. Ça reste un homme, pas un monstre… Pour moi, le cinéma peut s’inspirer des faits divers, mais la reconstitution en elle-même peut mettre mal à l’aise pour des raisons d’éthique envers les victimes, leurs familles – celles des bourreaux aussi d’ailleurs, dont les proches sont aussi des victimes.  

mk2 Curiosity : Pour Jusqu’à la garde comme pour Le Successeur, quelles questions vous êtes-vous posées concernant la représentation de la violence ?
X.L. : Dans Jusqu’à la garde, il s’agissait d’éviter le spectaculaire. Il y avait très peu de scènes de violences, je jouais sur quelque chose de plus anxiogène. Je n’ai aucune envie de montrer une femme qui se fait frapper par un homme, une femme qui souffre. Dans Le Successeur, c’est pareil, je ne fais pas d’effets. On ne dénonce pas la violence en montrant la violence.

propos recueillis par Quentin Grosset pour TROISCOULEURS

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