COLLECTION | FIÈVRES ADOLESCENTES

Pour célébrer le début de l’été, période où le désir de liberté des apprentis adultes atteint son paroxysme, on vous propose une sélection de très grands films sur les fièvres adolescentes. Préparez-vous à replonger dans ces instants où l'effervescence des premiers amours et l’insouciance n’échappent pas aux tourments d’âmes déjà grandes. 

L’adolescence est une période où le désir de liberté se fait de plus en plus pressant. Un désir inné qui se manifeste très tôt chez Antoine Doinel, 13 ans, dans “Les 400 Coups“ (1959), prix de la mise en scène à Cannes pour François Truffaut. Le jeune cancre est un habitué de l’école buissonnière, un petit punk avant l’heure, maître de la désinvolture. Un rôle qui révéla Jean-Pierre Léaud, devenu très vite un acteur incontournable de la Nouvelle Vague.

On retrouve Jean-Pierre Léaud (et donc Antoine Doinel) à ses 17 ans dans “Antoine et Colette“ (1962). Dans ce court métrage, Truffaut capture la maladresse des premiers amours. Depuis leur rencontre, le timide Antoine est obsédé par sa mystérieuse voisine Colette. Il est frustré par ses refus systématiques et découvre progressivement que les relations amoureuses n’ont pas que du bon.

 Dans “Paranoid Park” (2009) de Gus van Sant, lauréat du prix du 60e anniversaire du Festival de Cannes en 2007, le skateboard devient le symbole de l’effronterie et de la douce arrogance de certains adolescents. Le réalisateur américain d’”Elephant” (2003) n’a pas son pareil pour filmer cette période de la vie et nous captive avec l’histoire d’Alex, ado tourmenté en proie à la culpabilité et au doute à la suite d’un tragique accident. Ce bouleversement est brillamment mis en relief par le cinéaste américain à travers une mise en scène magnétique.

Cette quête d’évasion adolescente est souvent liée au contexte social dans lequel sont plongés les personnages. Cette envie profonde de se défaire de son origine sociale est parfaitement retranscrite dans “Fish Tank“ (2009) d’Andrea Arnold, prix du jury au Festival de Cannes. Mia habite une banlieue anglaise défavorisée. Déscolarisée, elle vit avec sa sœur, sous le toit d’une mère qui les rejette sans cesse. Dans ce monde où elle peine à trouver sa place, son seul espoir, c’est le hip-hop. Une danse qui lui permet de s’égarer mentalement et d’envisager un avenir meilleur loin du domicile familial.

Mona, jeune vagabonde héroïne de “Sans toit ni loi“, Lion d’Or à la Mostra de Venise en 1985, évolue dans un univers inhospitalier. La liberté totale dont elle pourrait profiter fait aussi d’elle une proie, cible de la malveillance des hommes et des fougues de la nature. Sandrine Bonnaire est parfaite dans ce rôle qui déjoue les stéréotypes sur les sans domicile fixe. Un très grand film d’Agnès Varda. 

Continuons notre chemin en compagnie de Varda avec “L’une chante, l’autre pas“ (1977), portrait de Pauline et Suzanne dans la France des années 1960, où les mouvements féministes se multiplient. Tout semble opposer ces deux femmes mais le destin les réunit. Varda éveille les consciences à travers ces personnages féminins inspirants, incarnés par Thérèse Liotard et Valérie Mairesse. 

De l’amitié à l’amour, il n’y a qu’un pas. Dans “Rafiki“ (2018) de Wanuri Kahiu, premier film kényan sélectionné au Festival de Cannes. Les lycéennes Kena et Ziki s’aiment dans un pays plombé par une homophobie institutionnalisée. La réalisatrice s’attache à présenter frontalement les violences physiques et verbales qui se déversent sur les personnes queer. Cette répression a conduit à la censure du film à sa sortie dans les salles kényanes. 

Dans “El Niño Pez“ (2009), Lucía Puenzo filme la quête de liberté absolue de Guayi et Lala, deux jeunes femmes qui tentent de vivre leur amour malgré tout. L’une est issue d’une famille aisée, l’autre est domestique. Ce voyage vers le Paraguay nous plonge dans une ambiance nébuleuse qui flirte avec le fantastique, portée par une narration fragmentée et une esthétique singulière. 

On finit en beauté (explosive) avec deux films de Xavier Dolan. D’abord “J’ai tué ma mère“ (2009), écrit à 16 ans et tourné à 20. Les envies d’évasion d’Hubert (joué par Dolan) se fracassent sur une mère aimée mais qu’il a de plus en plus de mal à supporter. Cette rage adolescente est magistralement interprétée par Xavier Dolan, dont le jeu oscille très justement entre frustration et vulnérabilité. 

Dans “Les Amours imaginaires” (2010), le cinéaste québécois incarne Francis au côté de Monia Chokri dans le rôle de Marie, son amie de toujours. Ils tombent tous les deux amoureux de l’impénétrable Nicolas (Niels Schneider). Un film sensuel dans lequel se déploient les fantasmes et désirs de ce trio amoureux.

Pour compléter cette belle sélection, on vous propose “Petits Frères“ (1999) de Jacques Doillon, “Mourir à trente ans“ (1982) de Romain Goupil, et le documentaire des soeurs Clara et Julia Kuperberg sur les origines des Teen Movies, réalisé en 2012.


Hugues Porquier, journaliste, mk2 Curiosity