VENT DE RÉVOLTE SUR LA CROISETTE

Oeuvres engagées, films de cinéastes interdits dans leur pays… Au Festival de Cannes, l’art est aussi un combat. Plongée dans un cinéma de résistance, caméra au poing contre les totalitarismes.

Du haut de ses soixante-seize éditions, le Festival de Cannes est, avec la Mostra de Venise et la Berlinale, l’un des festivals de cinéma les plus influents au monde. Ce statut lui confère un rayonnement international qui, dès sa création, va rapidement conduire à l’émergence d’enjeux politiques. Depuis sa création, des cinéastes du monde entier ont pu y trouver refuge. Des réalisateurs à l’origine de films contestataires qui osent critiquer ouvertement leurs pays d’origine. Ces œuvres censurées ont pu obtenir une résonance mondiale grâce à leur sélection à Cannes, où ils ont souvent été récompensés. De quoi faire connaître au grand public des conflits internes à ces états, jusque-là passés sous silence, ou simplement oubliés. Notre sélection s’intéresse à ces cinéastes interdits, de l’Iranien Abbas Kiarostami au Polonais Jerzy Skolimowski, en passant par le Bangladais Tareque Masud et le Roumain Lucian Pintilie.

TOUS LES FILMS DE LA COLLECTION

Tout au long de sa filmographie, le grand maître iranien Kiarostami s’est attaché à critiquer subtilement les mœurs de son pays et la politique de son gouvernement. L’histoire d’Abbas Kiarostami et du Festival de Cannes ont toujours été intimement liées. L’Iranien présente ainsi six films sur la Croisette, dont le “Le Goût de la Cerise“ en 1997. D'abord bloqué et censuré par le ministère de la Culture et de l'Orientation islamique, ce chef d'œuvre obtient in extremis son visa de sortie pour concourir à Cannes où il obtient la récompense suprême. Malgré la censure mise en place par le régime au milieu des années 1980 après la révolution iranienne, Kiarostami n'a jamais renoncé à tourner dans son pays. Grâce à sa renommée internationale et à ses scénarios préférant toujours l'allégorie à la critique frontale, le réalisateur a pratiquement toujours réussi à contourner la censure. Réalisateur engagé, Kiarostami a également tourné hors d'Iran, notamment “ABC AFRICA“, présenté hors compétition en 2001, qui expose à travers une approche profondément humaniste les ravages du Sida en Ouganda.

Le polonais Jerzy Skolimowski, dont le génial “EO“ a obtenu le Prix du Jury à Cannes en 2022, entretient lui aussi une relation particulière avec le Festival de Cannes.Dès la fin des années 1960, le cinéaste polonais va s’exiler à Londres. Il y rejoint son compatriote Roman Polanski à la suite de l’interdiction de son film “Haut les mains“ (1967), jugé antistalinien par le gouvernement polonais de l’époque. Son film “Travail au noir“, récompensé par le Prix du scénario à Cannes en 1982, est tourné dans la précipitation en réaction à l’instauration de la loi martiale en Pologne, qui a provoqué des milliers d’arrestations d’opposants, réduit les libertés individuelles et entraîné de nombreuses grèves et manifestations. À travers le personnage de Novak, manipulateur malgré lui, ce film critique habilement la situation politique polonaise du début des années 1980.